Mme le Maire, chers collègues ;
La présente délibération vise à accorder des subventions à trois associations qui se consacrent à l’implication des habitants dans des projets d’agriculture urbaine.
Vous y faites référence à divers projets que vous qualifiez d’innovants et d’envergure, dont ceux de Concorde et de Fives-Cail ; le Palais Rameau, cité dans le projet de délibération soumis en commission, étant curieusement absent de la version qui nous est aujourd’hui soumise.
De même qu’une agriculture saine a besoin pour être fructueuse qu’on prenne soin des terres et qu’on combatte leur appauvrissement, des projets innovants ne peuvent être fertiles que s’ils s’enracinent dans le terreau ensemencé par nos prédécesseurs.
A cet égard, la brutalité de l’expulsion de la Société d’horticulture du Palais Rameau tranche singulièrement avec les ambitions d’une « politique durable » ; on se souvient qui plus est qu’il avait été donné à penser qu’on troquait la destruction d’une chapelle contre la rénovation d’un palais, or on constate qu’aussitôt la chapelle rasée les occupants du palais sont expulsés… La mission des élus est-elle de voler au secours des ambitions économiques de promoteurs privés ou de modérer leurs appétits, la question mérite d’être posée.
Et précisément, on aurait pu s’attendre à ce que les élus de votre majorité ou vous-même prissiez la peine de rencontrer le président de la société expulsée avant la mise en œuvre puis l’exécution par la force publique d’une telle procédure ; il n’en fut malheureusement rien. Vous dîtes vouloir préserver cette association séculaire, mais votre absence de curiosité ainsi que celle des élus à son égard depuis plusieurs années montre que ce n’est pas vrai ; vous le dîtes parce qu’il faut le dire, parce qu’il faut que nous l’entendions, parce qu’il faut que nous ayons de votre majorité une bonne opinion, mais cet intérêt est plaqué, il est artificiel, la vérité est que tout cela, le Palais Rameau, la société d’horticulture, vous encombre depuis toujours.
Ni vous ni aucun des vôtres n’aura donc pu mesurer in situ l’incommensurable richesse patrimoniale des ouvrages à présent entassés dans un obscur garde-meubles après avoir été emballés par des mains dont on ignore les compétences, ni apprécier le cachet de la table de l’association qui fut par vos services sciée avant d’être emportée -rappelons pour mémoire qu’à son installation, ce sont les barreaux d’une fenêtre qu’on avait préféré desceller plutôt que de la démanteler-… Autres temps, autres mœurs.
J’ajoute n’avoir à ce jour pu comprendre pourquoi il m’a été déclaré en commission culture que l’huissier de justice aurait interdit aux élus majoritaires d’assister personnellement à l’expulsion, alors qu’ils y ont mandé des fonctionnaires municipaux venus revendiquer sans produire aucun titre divers éléments mobiliers, dont le bureau utilisé par le président de la société, et, précieux trophée… sa corbeille à papiers.
J’observe à cet égard qu’un Haut Fonctionnaire municipal m’a répondu par courriel travailler « dans le dossier du palais Rameau, comme pour l’ensemble des projets de Junia, en étroite coopération avec celle-ci »… Nous sommes bien loin de vos déclarations d’innocence dans la démolition de la chapelle Saint Joseph…
Pour mémoire, sans que probablement cela n’intéresse, une partie des courriers adressés à la société d’Horticulture ont lors de l’expulsion été découverts dans la boîte aux lettres de la maison du gardien dont le président ne détient pas la clef…
A présent, livres et objets sont stockés pour une durée de deux mois, aux frais du contribuable Lillois, mais les travaux du palais sont annoncés pour devoir durer deux années ; vingt-deux mois d’incertitude s’ouvrent donc devant nous.
Que deviendront-ils avant que la société expulsée ne soit autorisée à des conditions imposées par le promoteur à réintégrer les locaux qu’elle occupait librement depuis 140 ans par la volonté du mécène Charles Rameau ? Rappelons à cet égard qu’aucun bail n’a encore été signé entre notre municipalité et le promoteur « Junia », qui a déjà fait savoir qu’il entendait priver la société d’horticulture de la grande salle dont elle jouissait, et contrôler les horaires d’accès à son siège social.
Que deviendra la société d’horticulture elle-même pendant ces deux années de nomadisme contraint ? Si son sort était laissé entre les mains de l’opérateur privé au bénéfice duquel vous l’avez faite expulser, la tentation serait grande pour cet acteur économique d’espérer la mort lente de son encombrant fardeau pour s’assurer de n’avoir plus à le reloger une fois les travaux achevés…Soulignons par exemple que le contre-projet de convention d’occupation formulé par le président Marquis le 10 septembre 2020 au promoteur ainsi qu’à la municipalité, avec demande d’avis de réception, attend toujours qu’on juge opportun de lui répondre…
Rappelons-le, la société d’horticulture a beaucoup donné à Lille, par exemple la création du marché aux fleurs ; il nous semble que c’est à la ville de la protéger, plutôt que de l’exposer aux appétits financiers d’investisseurs immobiliers.
Aussi difficile que puisse être le dialogue avec un interlocuteur avec qui aucun lien de confiance n’a été préservé, c’est à la municipalité qu’il appartient de veiller à l’hébergement de la société d’horticulture, ainsi qu’à l’accès aux ouvrages que ses membres ou les chercheurs qu’elle habilite auront le besoin de consulter.
La commune doit se mettre en quête d’un local répondant à ces nécessités impérieuses, à bref délai avant que les deux mois de garde-meuble ne soient achevés.
L’heure n’est plus à la polémique, mais à l’action. Vous avez su expulser, sachez héberger et protéger ; que M. et Mme les adjoints veuillent donc bien nous exposer ce qu’est désormais leur ligne de conduite.
Je vous remercie.