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Lille 3000

Conseil municipal du 28 avril 2025

25/1 – Subventions aux opérateurs culturels 

M. le Maire ; 

Chers collègues ; 

« On a beau dire, plus ça ira, et moins on  rencontrera de gens ayant connu Napoléon »,  écrivait Alphonse Allais, mort en 1905. 

Native du dernier millénaire, je songeais à cette  forte pensée en consultant la liste des  subventions aux opérateurs culturels : « émancipation », « fable écologique », « injonction à la perfection », « identité d’enfants des enfants  nés de parents étrangers », « informations  positives », « corps » et « critique sourde-amère » ;  peu fait défaut dans cette litanie des tensions d’un monde moderne qui, tout entier à sa folie,  ne laisse plus d’interstice aux rêveries d’un esprit apaisé.

Mais parce qu’il faut bien distraire le public dont on a éteint la culture, de grandes et  pharaoniques déambulations sont instaurées, à  très grand frais, dans une démesure dont on  attend qu’elle écrase tout esprit critique… Avec  parfois, il faut le reconnaître, de notables  réussites, comme la parade de samedi dont il  faut remercier les agents, les nombreux  bénévoles, ainsi que les forces de police et  agents municipaux qui ont assuré la sécurité  de l’évènement. Quel dommage toutefois que  viennent ternir derrière cette façade festive les  retards, temps morts et manques de  coordination qui ne font pas honneur à  l’engagement des bénévoles. 

Alors que nous avons encore en mémoire des  évêques Parisiens costumés en Ldl par  Castelbajac et une chanteuse olympique vêtue  en lampadaire, voilà que notre rue Faidherbe  est parsemée d’étonnantes boîtes dorées dont  certains imaginent qu’elles figurent quelques  veaux d’or qu’il faudrait adorer quand d’autres,  car elles se nomment « monoliths » dans  l’orthographe anglo-américaine, qu’elles  seraient un hommage grandiose à la chevelure  dorée d’un président milliardaire voire à son  gratte-ciel éponyme.

Une chose est certaine : elles sont fédératrices,  puisque chacun s’accorde à reconnaître que  c’est très moche et qu’on n’y comprend rien.  Buren délivrait un message, comme le Centre  Pompidou ; l’artiste espagnol semble nous dire  que notre monde n’a plus de sens, car plus rien  n’y est à comprendre. Pourquoi pas, après tout  ? 

Parce que, et c’est cela qui me chiffonne, tout  ceci n’est pas gratuit, et c’est le Lillois qui paie.  Comprenons-nous : je serais moins sévère  avec un concours de laideurs financé sur fonds  privé. Après tout, la saleté de Paris lui vaut une  renommée mondiale et la tendresse des  amateurs de surmulots. Mais Paris est sale de  n’être pas nettoyée, ce qui ne coûte rien, tandis  que Lille est enlaidie après avoir payé, ce qui  fédère certes le contribuable, mais dans une  communion hostile, alors même que l’alerte  sonne sur les finances des collectivités.  

Comment sortir de cet imbroglio ? En songeant  peut-être à instaurer un jury populaire : le beau,  le fédérateur, auraient droit d’être financés,  quand le laid serait préservé au titre d’un  « quota-moche », à charge de trouver ses financeurs qui ne soient pas contribuables. Ainsi de talentueux artistes locaux pourraient ils percer au plus près des habitants, sans nuire aux icônes qui n’ont assurément pas  besoin d’argent public pour contribuer à leur  corne d’abondance. 

Toutes les formes de culture doivent avoir droit  de cité : celle écrasante et obscure d’une élite  autoproclamée dont quelques-uns maîtrisent  les codes, en même temps que celle des  héritiers renouvelés des siècles qui nous ont  précédés ; si l’on avait prédit au Peuple en  arme qui s’est sacrifié dans trois révolutions  qu’il tombait sous les balles pour que ses  enfants financent des boites à chaussure,  Louis XX règnerait sur la France, ne coûtant  qu’un Versailles, quelques millions de moins  probablement que Lille 3000 à elle seule, dont  notre quotidien local a récemment relevé que  quatre des cinq candidats potentiels à votre  fauteuil appellent à son évolution. 

M. le Maire ; nouvellement désigné, vous  échappez au totem exclusif qui nous a coûté si  cher ; engagez quelques salutaires économies,  renouez avec la proximité, les attentes  populaires, le colibri plutôt que l’éléphant ! 

Je vous remercie.