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Lille 2026 : Entre illusion arithmétique et réalité politique

Par Jean-Louis Thiébault, Professeur émérite de sciences politiques, politologue, ancien directeur de Sciences Po Lille

À 9 mois des échéances municipales, la presse locale commence à traiter le sujet des Municipales 2026, sous forme d’analyses plus ou moins chiffrées, plus ou moins étayées, plus ou moins scientifiques, et très souvent de manière orientée politiquement. Ces articles peuvent influer largement sur l’opinion, et à terme sur le scrutin.

À ce titre, La Voix du Nord consacre une série d’articles d’analyse en vue des élections municipales. S’il est toujours intéressant de se projeter et de se plonger dans les résultats, les travaux publiés laissent entrevoir de très grosses lacunes méthodologiques et un parti pris clair, qui biaise l’analyse. De plus, Aujourd’hui encore, la disproportion flagrante du traitement médiatique saute aux yeux, nous y reviendrons : une large couverture offerte aux candidats PS et EELV, une exposition marginale des autres forces politiques, et une tonalité régulièrement moqueuse ou dénigrante pour Violette Spillebout.

C’est pourquoi nous souhaitons publier ici le travail de fond réalisé par des spécialistes sur les résultats électoraux passés de Lille, Hellemmes, Lomme et sur l’analyse prospective, qui donnent un éclairage scientifique et détaillé sur les enjeux de 2026. Cette analyse électorale met en évidence plusieurs facteurs qui pourraient favoriser la victoire nette de Violette Spillebout aux élections municipales de 2026 à Lille. Rappelons que lors des élections municipales de 2020, la crise sanitaire a entraîné une très faible participation, peu significative pour analyser la prospective de 2026.

PARTIE 1 : L’analyse électorale pour les municipales 2026, un exercice précis et délicat.

Si, bien entendu, le contexte national peut avoir un impact sur les résultats des élections municipales en particulier dans les grandes villes et qu’il existe des changements sociologiques dans les communes comme autant de tendances lourdes, il n’existe qu’un lien de corrélation très faible entre les résultats des élections nationales et municipales.

1. Il est impossible de calquer les résultats d’une élection locale sur ceux des élections nationales

Prenons à cet égard les résultats des municipales de 2020 par rapport aux précédentes élections :

Le cas du PS est particulièrement emblématique : très affaibli aux scrutins nationaux, jusqu’à passer en dessous de 10% aux européennes, il sort pourtant nettement en tête du premier tour des municipales de 2020. Si l’on avait suivi le raisonnement de la Voix du Nord, les socialistes auraient dû être à peine en capacité de se maintenir en 2020.

A l’inverse, le RN, en apparence stable, divise son score par 3 lors du vote aux municipales par rapport aux européennes et à la présidentielle et alors que le parti faisait encore 18% aux municipales de 2014.

Si la non-corrélation est frappante, elle s’observe dans toutes les villes de la métropole. Roubaix ou Tourcoing sont des communes où la gauche, notamment radicale, a obtenu des scores triomphaux à la présidentielle et aux législatives de 2017 et aux européennes de 2019, avant que des listes de la droite et du centre ne l’emportent très nettement aux élections municipales.

Cela s’explique par plusieurs raisons :

–   la très claire distinction entre enjeux locaux et enjeux nationaux dans l’esprit des électeurs ;

–   la prime aux équipes municipales sortantes dans les élections municipales ;

–   le refus de plus en plus croissant des électeurs comme des listes de se revendiquer d’une étiquette politique unique aux élections municipales. Beaucoup se placent dans une logique de rassemblement et d’alliance autour d’une personne et d’un projet sans chercher à collectionner ou revendiquer des investitures.

2. Des évolutions au long cours

Néanmoins, le résultat des élections depuis 2017 laisse voir des évolutions lourdes :

–   l’effondrement de LR, qui n’a jamais réussi à retrouver d’incarnation au niveau local, a obtenu des résultats désastreux aux élections municipales puis à toutes les élections nationales depuis 8 ans dans la commune ;

–   la difficulté du RN à remonter. Le RN a considérablement perdu en électeurs à Lille au cours des dernières années et même lorsque les résultats sont très favorables au RN au niveau national, ils restent médiocres au niveau local. Par exemple, Jordan Bardella n’avait fait que 9,5% aux européennes à Lille contre 31,5% au niveau national ;

–   LFI s’impose de plus en plus, notamment dans des quartiers comme Lille-Sud, Moulins ou Faubourg de Béthune, où les scores obtenus sont impressionnants. On peut néanmoins douter de la capacité de LFI à transformer parfaitement ce résultat aux élections municipales – la différence entre le score de Jean-Luc Mélenchon en 2017 et le score de Julien Poix en 2020 en est une preuve ;

–   Le bloc central s’implante et est le seul à vraiment progresser avec la gauche radicale. Les candidats de la majorité présidentielle se sont maintenus systématiquement à des niveaux importants dans la commune et la candidate Violette Spillebout a obtenu un des meilleurs scores de son parti aux élections de 2020.

C’est d’ailleurs du côté de Violette Spillebout que la dynamique potentielle semble la plus forte : le nombre de voix qui se sont portées sur les candidats de la majorité a plus que doublé entre 2020 et 2024 (+112%).

A ce titre, la note prospective d’Alexis Massart, politologue Lillois, démontre, en analysant les résultats électoraux depuis 2020 et en réalisant avec une méthode scientifique des simulations, à quel point la performance de Violette Spillebout est exceptionnelle et encourageante.

3. Perspectives pour 2026

Par rapport à 2026, la donne a changé :

–   si le PS bénéficiera de l’effet sortant, le candidat socialiste n’aura ni la notoriété ni toute l’influence de Martine Aubry ;

–   la perte de voix du PS bénéficiera essentiellement à LFI. On observe, en effet, en 2020 que ce sont dans les quartiers où LFI est le plus fort que Martine Aubry était la plus forte ;

–   EELV devrait se maintenir dans les quartiers où il est fort mais s’éroder au global : l’écologie est un thème moins central (pour l’instant) qu’en 2020 et la gestion des municipalités écolo ailleurs en France n’a pas été acclamée ;

–   le RN devrait obtenir un meilleur résultat du fait du contexte national mais sans parvenir à faire exploser les compteurs étant donné la sociologie changeante de la ville ;

–   l’absence de notoriété et d’organisation du candidat LR devrait conduire à son quasi-effacement ;

–   à l’inverse, Violette Spillebout qui a gagné en notoriété locale et en stature nationale depuis 2020 devrait continuer et accroître l’expansion de son socle.

En conclusion, avec une gauche socialiste affaiblie et LFI seule force de gauche en croissance, la candidature de Violette Spillebout est la seule en mesure de battre la gauche radicale. Et cette analyse ne prend pas en compte les éléments plus “informels”, liés au potentiel politique accru de Violette Spillebout ces dernières années.

PARTIE 2 : Le potentiel politique de Violette Spillebout à Lille, 2020 versus 2026

1. De candidate isolée à figure politique affirmée

En 2019-2020, Violette Spillebout se présentait pour la première fois devant les électeurs lillois. Sans mandat électif, portée par un engagement personnel et une volonté de renouvellement des pratiques politiques, elle incarnait une alternative encore floue, confrontée à une maire sortante très implantée et à une gauche unie et structurée. Son score de 21 % au second tour traduisait cependant une première percée, unique en France, dans un paysage politique verrouillé depuis plus de 20 ans.

Depuis cette date, le parcours de Violette Spillebout a profondément transformé sa légitimité : elle est élue députée aux législatives de 2022, avec un score significatif, dans une circonscription historiquement à droite. Puis après la dissolution de l’Assemblée Nationale, elle est renouvelée confortablement en 2024, dans un contexte où la majorité présidentielle est très affaiblie nationalement et où la NUPES au national revendique la majorité. En 5 ans, Violette Spillebout s’est imposée comme une élue de terrain, active et combative, qui représente la Métropole lilloise au niveau national. Son travail transpartisan à l’Assemblée Nationale, sur la sécurité, l’éducation, le statut des élus locaux, la lutte contre la désinformation, la protection de la presse et la culture lui ont conféré une stature nationale, et un ancrage institutionnel renforcé.

2. Une implantation locale solide et continue

Présente à tous les conseils municipaux, investie sur les grands dossiers locaux (sécurité, transparence budgétaire, politique culturelle, mobilité), Violette Spillebout a désormais bâti un ancrage territorial réel. En lien avec les associations, les acteurs économiques, les habitants, elle est passée d’un profil « nouveau » à celui d’une actrice essentielle de la vie politique lilloise et française, enracinée qui connaît les rouages de la ville, ses enjeux et ses fractures.

Son travail de terrain, sa présence dans les quartiers, ses initiatives locales et la structuration de son collectif Faire Respirer Lille dans la durée contribuent à structurer une base militante et électorale stable, capable de croître dans un contexte de recomposition.

3. Une image clarifiée et un positionnement central

En 2020, elle était perçue comme « candidate LREM », souvent associée au pouvoir national. Cette étiquette ne suffisait pas à fédérer au niveau local. Aujourd’hui, Violette Spillebout a affirmé sa singularité : elle ne parle au nom d’aucun appareil, mais en son nom propre. Son style est clair, son engagement est lisible, et son positionnement s’adresse à la fois aux électeurs républicains, démocrates chrétiens, aux modérés, aux vrais écologistes, mais aussi et surtout aux électeurs socialistes qui refusent les accords avec LFI. À tous ceux qui souhaitent une alternative à la fois ferme et rassembleuse. Elle rassemble autour d’elle de nombreux acteurs de la société civile. Le Bloc central Lillois est uni autour d’elle.

Elle est aujourd’hui perçue comme la seule alternative sérieuse, modérée et républicaine, capable d’empêcher une prise de pouvoir par La France Insoumise ou une reconduction par défaut d’un PS à bout de souffle.

4. Un contexte politique totalement recomposé

En 2020, Martine Aubry dominait encore le paysage. La mise en place d’un “maire intérimaire” totalement inconnu, jamais candidat ni élu, pour lui succéder, apparaît comme une manœuvre politicienne illégitime, d’ailleurs largement documentée. Ce qui n’empêchera pas la Voix du Nord de faire largement la promotion du nouveau maire intérimaire non élu. En 2025, le champ est ouvert :

  • Le PS est en crise de succession.
  • Les écologistes stagnent et peinent à convaincre au-delà de leur base. Dans les 6 élections qui ont suivi 2020, leur nombre de voix n’a jamais dépassé le score de 2020.
  • LFI menace de prendre la tête au premier tour, tout en crispant fortement l’électorat modéré et une partie de l’électorat socialiste.
  • Les Républicains sont inaudibles à Lille. Le RN est en embuscade.
  • Violette Spillebout, forte de son parcours, de son expérience, et de sa dynamique, incarne une solution de stabilité et d’efficacité.

Conclusion : un potentiel considérablement accru pour 2026

Le contraste est net : en 2020, Violette Spillebout était une candidate de renouvellement, nouvelle mais inconnue. En 2026, elle sera une prétendante naturelle, expérimentée, légitime et stratégique. Elle ne subit plus le contexte politique : elle l’incarne et le structure. Elle est aujourd’hui la seule figure capable de rassembler un front républicain, face aux extrêmes, aux divisions, et aux héritiers affaiblis d’un système politique à bout de souffle.

Jean-Louis Thiébault