Nul n’ignore que Lille est malheureusement devenue une plaque tournante du trafic de stupéfiants. Nos débats récurrents ici, les statistiques du ministère de l’intérieur, les faits divers quotidiennement relatés par la presse locale l’attestent tristement.
Nul ne peut non plus ignorer l’explosion ces dernières années de la vente et de la consommation de drogues à Lille. L’explosion de la consommation de Crack renforce et transforme l’accompagnement nécessaire.
Mais derrière ces chiffres, ce sont d’abord des femmes, des hommes, des jeunes, des familles, des enfants en grande souffrance intime, et souvent en grande précarité. La drogue, c’est d’abord un problème de condition humaine, de mal de vivre, d’exclusion… Nous devons donc y apporter des réponses en matière de prévention, d’éducation comme d’accompagnement psycho-social et médical des personnes : « aucune substance n’enlève à l’homme son humanité » comme le disait Jean-Luc Romero à Lille le 23 novembre 2012 à l’occasion d’un colloque d’addictologie organisé par la Sauvegarde du Nord.
La drogue c’est aussi des troubles psychiques, des maladies chroniques, des possibles transmissions d’Hépatite C, de VIH, des overdoses, des suicides, … Nous devons donc y apporter aussi des réponses de santé publique.
Enfin, la drogue c’est de l’insécurité, des troubles et des violences dans l’espace public, de la délinquance et des crimes… Nous devons donc y apporter des réponses en matière de sécurité.
Les salles de consommation à moindre risque (SCMR) constituent un des outils de réduction des risques fondé sur cette triple exigence sociale, sanitaire et de sécurité publique que nous impose le combat contre les addictions aux drogues dites « dures ». Nombres d’études en Europe et dans le monde où les SCMR existent parfois depuis des décennies, en ont démontré les impacts positifs tant pour les individus que pour la collectivité.
Mais je ne peux que m’étonner qu’il faille attendre 2021 pour que se pose la question de la participation de Lille à cette expérimentation ouverte par la loi depuis plus de 4 ans. Paris, Strasbourg ont saisi cette opportunité dès 2016 avec peut-être un peu plus de courage, Mme le Maire, et plus de 90 villes dans le monde avant nous.
D’autant plus étonnant qu’il y a presque dix ans déjà, une de vos conseillères municipales (Marielle Rengot) avait conclu aux côtés de Jean-Luc Romero ce même colloque lillois évoqué en début de mon intervention. Elle y avait alors évoqué que la Ville attendait que les textes ouvrent l’expérimentation pour s’y engager. Les associations, les professionnels de santé, toutes celles et ceux qui œuvrent chaque jour contre ce fléau, sont aujourd’hui mobilisés.
Le ministère de la Santé a officialisé vendredi 4 juin 2021 son souhait d’autoriser durablement l’existence de ces salles de consommation à moindre risque. Le ministère « souhaite pérenniser ces dispositifs dans le droit commun, afin de laisser la possibilité aux communes d’ouvrir de nouvelles salles ». Le cadre dérogatoire qui permet aux deux structures expérimentées à Paris et Strasbourg depuis 2016 prend en effet fin en 2022 et une pérennisation nécessitera de les inscrire dans la loi avant la fin du mandat présidentiel d’Emmanuel Macron.
Si nous avons eu le débat au sein de notre groupe, si nous sommes plusieurs à être favorables à l’expérimentation d’un SCMR à Lille, nous regrettons la méthode avec laquelle vous la menez : comme souvent, vous prenez vos décisions en catimini, (en relation avec les professionnels et les assos) et les lilloises et les lillois apprennent un beau matin dans la presse que vous avez choisi d’implanter ce SCMR à Faubourg-de-Béthune. Je rappelle, que c’est le 5ème quartier le plus pauvre de France, dans la partie la plus en difficulté même s’il y a des beaux projets à venir. Pour y passer tous les jours, je sais que même si vous avez contacté les riverains, contacté la proviseur du Lycée Montebello de 1700 élèves, il y a une très forte présence des HLM, 1700 logements. On peut se poser la question de la réelle concertation avec les habitants de ce quartier. La prise en compte de l’acceptabilité de cette décision n’a pas été traitée avec les habitants ?.
Certes, à côté d’un CSAPA, centre de traitement des addictions, mais pas d’un CAARUD, alors que la commission d’expertise de l’INSERM recommande une forte proximité avec ces lieux d’accompagnement social et de prévention. La question du lieu interpelle, car vous auriez pu aussi, comme à Strasbourg, choisir un lieu isolé, pour limiter les problématiques d’environnement et d’acceptabilité.
Nous aurions souhaité, sur un sujet si grave, complexe, objet souvent d’instrumentalisation politique, que vous fassiez cette fois le pari de la transparence et de la confiance.
Aussi, pour ces questions d’acceptabilité et de concertation avec les habitants, absente de la démarche les membres de notre groupe s’abstiendra.