“Ce qui est incompréhensible, c’est la manière dont ce grief lié à l’embauche d’une sportive de haut niveau pour obtenir des voix à l’élection municipale de Lille en 2020 a été balayé dans le contentieux électoral devant le Tribunal Administratif et le Conseil d’Etat. Je me réjouis que le Parquet de Lille ait décidé, 18 mois après le signalement, de lancer une enquête préliminaire pour corruption, prise illégale d’intérêt, recel de corruption et recel de prise illégale d’intérêts sur cette affaire. Je fais confiance à la police judiciaire et à la Justice pour mener l’enquête qui permettra de répondre au signalement effectué” réagit Violette Spillebout.
Les motivations :
Je tiens à préciser que ma motivation et celle de mes colistiers a toujours été de promouvoir le débat démocratique, et de redonner confiance dans la politique et les élections. Pour cela, je m’emploie à combattre avec sérieux et rigueur des méthodes utilisées par l’équipe de Mme Aubry pour gagner l’élection municipale 2020. Cette requête avait été le résultat d’un travail d’une équipe d’une dizaine de membres du Collectif Faire Respirer Lille, accompagnés du cabinet d’avocats Gros-Hicter de Lille, pendant plusieurs semaines, suite à une vigilance régulière et organisée pendant la campagne électorale. Un dossier d’une vingtaine de pages, accompagné d’un grand nombre de pièces justificatives (plus de 200) a été remis au Tribunal Administratif de Lille. Notre protestation électorale était d’une grande qualité, et nourrie de nombreuses preuves pour étayer les argumentaires de chaque grief. Elle a été enfin jugée crédible par le parquet de Lille.
Le contexte :
Au sein de notre recours électoral pour les municipales 2020, nous avons soulevé, avec mon équipe juridique, de nombreux motifs de l’invalidation de l’élection. Parmi eux, figurait l’embauche frauduleuse, en mars 2020, de Mme Licia Boudersa, boxeuse influente de Lille, plusieurs fois championne du monde de sa discipline et très populaire dans les quartiers lillois, par Mme Martine Aubry, maire de Lille, alors en campagne électorale.
Dans le mémoire du rapporteur public, puis dans le jugement du Tribunal Administratif, notre démonstration, preuves à l’appui, a été balayée par les magistrats en quelques lignes. En appel devant le Conseil d’Etat, l’infraction a été reconnue dans le jugement, mais là aussi balayée, considérant qu’elle ne relevait pas d’un sujet électoral.
A nos yeux, il n’y avait pas besoin d’avoir fait plusieurs années de droit pour comprendre que l’embauche de Mme Boudersa était illégale et avait servi à manipuler le scrutin.
Nous n’acceptons pas les transgressions de la démocratie.Nous voulons rester fidèles à nos valeurs et aux électeurs qui nous ont fait confiance.
Le signalement :
Aussi, par courrier du 20 décembre 2021, commun avec deux de mes collègues élus lillois, j’ai signalé à Mme la Procureur de Lille, au titre de l’article 40, l’embauche frauduleuse, en mars 2020, de Mme Licia Boudersa par Mme Martine Aubry, maire de Lille, alors en campagne électorale.
Je rappelais dans mon signalement que ces infractions, commises en période électorale, relèvent de l’article L. 106 du code électoral[1], et que ceci avait été confirmé par le Conseil d’Etat [2], à l’occasion de mon recours électoral sur les élections municipales 2020, qui cependant ne les avait pas, en raison de sa compétence strictement électorale dans le cas d’espèce, jugées au fond. J’indiquais enfin que ces agissements pouvaient également relever des articles 432-11 1°, 433-1, 432-11 2° et 433-1 du code pénal.
[1] Code électoral, Partie législative, Livre Ier, Titre Ier, Chapitre VII : Dispositions pénales, article L. 106 : « Quiconque, par des dons ou libéralités en argent ou en nature, par des promesses de libéralités, de faveurs, d’emplois publics ou privés ou d’autres avantages particuliers, faits en vue d’influencer le vote d’un ou de plusieurs électeurs aura obtenu ou tenté d’obtenir leur suffrage, soit directement, soit par l’entremise d’un tiers, quiconque, par les mêmes moyens, aura déterminé ou tenté de déterminer un ou plusieurs d’entre eux à s’abstenir, sera puni de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 15 000 euros./ Seront punis des mêmes peines ceux qui auront agréé ou sollicité les mêmes dons, libéralités ou promesses. »
[2] Le Conseil d’Etat a, dans cette décision, suivi les conclusions (Pièce n° 15) de la rapporteure publique, qui, au point 3.1.1, après avoir longuement développé le fait que la manœuvre invoquée correspond à un « achat d’influence », qui est bien une « manœuvre frauduleuse », indique : « Vous n’aurez pas besoin, si vous partagez notre analyse, de trancher le point de savoir si le soutien de la championne de boxe lilloise en faveur de Mme [Boudersa] a, ou non, effectivement été obtenu en contrepartie de son recrutement par la commune. En effet, nous ne pensons pas que ce soutien ait pu, compte tenu de l’écart des voix en présence, fausser les résultats du scrutin […] ».
Mémo :
LES PRINCIPAUX MOTIFS DE LA REQUÊTE LILLOISE
Ils sont multiples et argumentés juridiquement
L’utilisation à des fins de propagande électorale de publicité commerciale
Le documentaire « La dame de Lille » diffusée le 2 décembre 2019, en pleine période électorale, pose question, sur son contenu ainsi que ses modalités de promotion et de relai sur les réseaux sociaux. De nombreux éléments démontrent que ce bilan laudatif à travers le documentaire est largement relayé par les soutiens de la Maire sortante.
La promotion du bilan des réalisations au cours du mandat en période électorale.
Durant toute la période électorale, Mme Aubry et son entourage (colistiers, soutiens, parti…) ont entretenu une ambiguïté entre l’expression publique de la candidate et celle de la maire, voire de la mairie sur les réseaux sociaux.
Il en va de même pour la conférence de presse tenue à l’école Bara-Cabanis, le jour de la rentrée scolaire 2019, au cours de laquelle Martine Aubry se fait remettre un prix “Cantine Verte” par Greenpeace pour saluer son action en matière de restauration scolaire : “La maire de Lille est la première de France à recevoir cette écharpe” (Voix du Nord 02/09/2019). Ou encore la conférence de presse présentant un bilan municipal en matière d’écologie le 16 septembre : « Pendant plus d’une heure, la maire a présenté les grands engagements qui ont valu à Lille sa place de finaliste du prix « Capitale verte européenne » et ainsi défendu son bilan « vert ». Ce jour-là, citation extraordinaire de Mme Aubry (voix du Nord 16/09/19) « Conseillère d’État je connais la jurisprudence » , pour se dédouaner de toute distorsion de la loi.
A de multiples reprises au cours de la période électorale, la Maire de Lille a pris des engagements correspondant à des promesses de campagne électorale, car ne pouvant être réalisés avant l’élection, comme la création d’un nouveau jardin municipal ou le lancement de “trois grands projets d’espaces de nature” dans la ville. Ces projets, qui ne peuvent être tous engagés avant l’élection, souffrent ainsi de la même irrégularité.
Enfin, la commune a notoirement accéléré sa communication à destination des seniors durant la fin de l’entre-deux tours.
Les tentatives d’influencer le vote d’un collège électoral ou d’une fraction de ce collège
La presse est déjà largement intervenue sur le sujet de la présidente d’une association lilloise subventionnée à 180 000 euros par an par la Mairie, colistière de la liste de Mme Aubry en 2014, par ailleurs directrice d’une autre association elle aussi généreusement subventionnée par la commune, et membre de l’association Lille 2030 de soutien à la candidature de Mme Aubry. Cette dame a adressé un mail une semaine avant le scrutin à presque 300 personnes physiques, collectifs ou associations qui avaient bénéficié de subventions pour leur permettre de mettre en oeuvre leurs projets d’initiative citoyenne en leur demandant de soutenir la liste Lille en Commun et donc Madame Aubry.
Ces méthodes, c’est tenter d’obtenir leur soutien et leur suffrage en contrepartie des subventions d’ores et déjà versées. En infraction par ailleurs de la réglementation relative à la protection des données personnelles. Cela constitue une manœuvre destinée à fausser la sincérité du scrutin.
De même, concernant les commerçants, la Fédération lilloise du commerce est généreusement subventionnée par la commune chaque année. Son président a participé à l’appel des commerçants en soutien de Mme Aubry, ès qualité de président de la Fédération lilloise du commerce. Beaucoup de commerçants, on le sait, ont été enjoints à signer le soutien avec des méthodes qui interrogent.
Enfin, une sportive de haut-niveau, influençant beaucoup de jeunes lilloises, a été finalement embauchée par la commune le 16 mars 2020, dans des conditions plus avantageuses que la normale, pour finalement se retrouver membre du comité de soutien de Mme Aubry, et co-signataire d’un tract de soutien des acteurs des quartiers diffusé dans toutes les boîtes aux lettres.
De nombreuses irrégularités lors des opérations de vote
Le matin du vote, une Adjointe au Maire de Lille a été photographiée en flagrant délit de collage sauvage à proximité d’un bureau de vote, avec de nombreuses affiches, ce qui est formellement interdit par la loi. Des mentions portées sur les procès verbaux ont en outre été raturées ou effacées au blanco dans plusieurs cas. Différentes irrégularités ont été constatées : des procurations acceptées à tort (les noms ne figuraient pas sur les listes d’émargement): des bulletins de vote retournés sur la table de décharge, notamment. Dans un bureau, le président a appelé nominativement des électeurs à inviter leurs familles, jusque-là abstentionnistes, à venir voter. Une assesseure a été évincée de son bureau de vote (bureau n° 254) en raison d’un retard insignifiant à son arrivée. Les membres de la commission de contrôle ont même été invités à sortir du bureau de vote (bureau à Lomme, mention du président de la commission de contrôle sur le PV)