Métropole

Plan Climat Métropolitain : allons plus loin !

Le 17 octobre 2020

Contribution de Sylvain Humiliere et Claude Lenglet

Collectif Faire Respirer Lille

Le Plan Climat Air Énergie Territorial (PCAET) a pour but d’établir une stratégie de définition et de mise en œuvre des actions permettant de lutter contre le changement climatique. Il inclut le sujet de la qualité de l’air, le développement des énergies renouvelables, la maîtrise des consommations énergétiques et s’inscrit dans les objectifs nationaux, européens et internationaux. Il est obligatoire pour toutes les intercommunalités de plus de 20.000 habitants. A ce titre la Métropole Européenne de Lille (MEL) se devait de mettre à jour son Plan Climat qui datait de 2013.

Pour ce faire, une première période de concertation a eu lieu entre septembre 2018 et juillet 2019, elle a été suivie par 1100 participants mobilisés dans le cadre d’un dispositif spécifique, réunissant des citoyens, associations, entreprises, communes… et a donné lieu à la publication d’une première version du projet.

En décembre 2019, cette première version a été votée par le conseil métropolitain, projet consultable sur le site de la MEL cliquez ICI. Le document est composé d’un diagnostic (296 pages), d’une synthèse de la concertation (32 pages), d’un document stratégique (64 pages), d’un plan d’actions (216 pages), et d’une évaluation environnementale (123 pages), soit plus de 700 pages, dont la lisibilité est forcément peu accessible au lecteur non averti.

Sur la base de ce projet, l’année 2020 a été consacrée au recueil de l’avis des « personnes publiques associées » nécessaire pour arriver au projet définitif. Des avis ont été rendus par la Préfecture, la Région, et par l’Autorité Environnementale qui émet un avis sévère sur ce projet en y relevant des points « insuffisants » en matière de transports et de développement des énergies renouvelables.

Une nouvelle période de consultation électronique du public a ensuite été ouverte du 16 septembre au 18 octobre, et c’est à ce titre que Faire Respirer Lille a souhaité apporter sa contribution, avant son adoption prévue en décembre 2020.

En effet, dès ses premiers écrits, et tout au long de la campagne des élections municipales, Faire Respirer Lille a porté des valeurs environnementales et écologiques qui se retrouvent dans notre programme et concernent tous les sujets de la vie urbaine. C’est également en tant qu’habitants de la Métropole que nous avons souhaité nous exprimer sur ce PCAET.

Nos principales conclusions font suite à une analyse détaillée des documents disponibles aujourd’hui. 

En voici une synthèse

1/ Actions proposées

Les actions proposées sont globalement pertinentes, mais la cohérence d’ensemble reste peu perceptible. En particulier, la mise en œuvre des actions et leur impact sur la réduction des émissions ne sont pas assez détaillés : il manque un objectif chiffré, précis, de réduction des émissions pour chaque action. 

2/ Suivi 

Une fois quantifiées, les réductions des émissions doivent être suivies et revues régulièrement pour assurer l’atteinte de ces objectifs à l’échelle du territoire et de chaque action. La MEL doit réaliser des bilans annuels avec un formalisme de restitution explicite pour suivre les évolutions (tableau de bord), et des indicateurs pertinents (nombre de rénovations, nouvelles immatriculations, consommation énergétique, etc.). On sait qu’il s’agit là d’un point incontournable pour assurer la qualité de ce type de démarche, mais ceci n’apparaît pas clairement dans les documents. En l’absence d’indicateurs fiables et d’ambitions détaillées, comment s’assurer que le budget climat de la MEL ne soit pas que du « greenwashing », un recueil de bonnes intentions, mais apporte au contraire enfin des résultats significatifs en matière de diminution de l’impact climatique de noter métropole ? 

3/ Ambition

Si on se réfère à d’autres métropoles Européennes, le PCAET porte une ambition a minima. La MEL se cale en effet (presque) sur les objectifs de la Stratégie Nationale Bas-Carbone, mais on aurait pu s’attendre à une plus grande ambition de la part d’une métropole qui, a de nombreuses occasions, n’a pas manqué de vouloir exister sur la scène Européenne. Copenhague atteindra la neutralité carbone en 2025, Manchester a un plan qui l’amène à la neutralité en 2038, et la MEL en 2050…si tout va bien !

Pour l’horizon 2030, la délibération acte les valeurs suivantes :

  • Une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 45% (par rapport à 1990) soit 32% par rapport à 2015
  • Une réduction de 16% des consommations d’énergie (par rapport à 2016)
  • Une augmentation de la part de production d’énergies renouvelables produites localement dans la consommation de 4 à 11%

Ces valeurs sont de toute évidence faibles dans l’optique d’une réelle stratégie bas carbone. Il faudrait viser une réduction des émissions beaucoup plus importante portée par un travail sur le résidentiel, les transports et l’industrie. Une réduction de 32% à horizon 2030, c’est déjà très peu au vu de l’urgence climatique, mais c’est aussi, combiné au flou et à l’insuffisance des actions, douteusement atteignable. Les réductions de consommation énergétique et la part de production de renouvelables sont de même très insuffisantes en face des enjeux climatiques que notre métropole va devoir affronter. Pourtant des territoires en France et en Europe montrent qu’il est possible aujourd’hui de porter des ambitions beaucoup plus importantes.

4/ Échelle territoriale

Limiter l’approche de la neutralité carbone à l’échelle métropolitaine n’a pas de sens, car on est sur la zone la plus urbaine de la région. Elle devrait s’inscrire dans une stratégie bas-carbone en dialogue avec le Département et la Région, de manière à prendre en compte et réduire les émissions importées, pour tenir compte des puits de carbone environnants et pour assurer une cohérence des divers dispositifs.  Ceci implique de partager ces démarches avec les autres acteurs territoriaux, acteurs aujourd’hui ignorés du PCAET. La MEL se devrait d’être plus proactive à l’échelle de la région et de porter la transition au sein des territoires et des infrastructures dont elle dépend.

5/ Exemplarité

Les métropoles engagées ont toutes un volet « exemplarité ». Nous aurions aimé lire que la MEL a la volonté de se montrer exemplaire en tant que collectivité : à ce titre, elle doit par exemple assurer la réalisation d’un Bilan Carbone (obligation légale non remplie à ce jour), réaliser un plan de déplacements administration cohérent avec son PDU, et inscrire dans le PCAET des objectifs spécifiques. Et au-delà de l’aspect réglementaire, les sujets d’exemplarité ne manquent pas : politique achats, véhicules de service, gestion des énergies… tous domaines où une collectivité se doit aujourd’hui de montrer la voie, permettant d’entraîner alors plus facilement et plus intensément les particuliers et le tissu économique.

Le collectif Faire Respirer Lille propose donc que le PCAET 2020-2026 de la MEL intègre plus de précision sur les objectifs chiffrés à atteindre durant le mandat, une ambition plus forte quant aux résultats à obtenir, à la hauteur des autres grandes métropoles européennes, et des engagements concrets et exemplaires pour les pratiques quotidiennes de la collectivité. Il propose aussi qu’au regard des nouvelles gouvernances dans les communes de la MEL, des effets de la crise sanitaire et économique durable, et des nouvelles pratiques de mobilité, le Schéma Directeur des Infrastructures de Transport fasse l’objet d’une revue de projet et d’un grand débat avec les nouveaux élus.