Conseil Municipal

Le Patrimoine Culturel Lillois

Madame le Maire, chers collègues ;

Dans un conseil précédent, j’intervenais pour la chapelle Saint Joseph, et c’est peu dire que de relever que je n’obtiens pour écho que votre seule indifférence.

Lorsqu’il s’agit du patrimoine culturel, et plus encore d’un patrimoine culturel séculaire, l’étiquette politique importe peu ; si le sort de la chapelle Saint Joseph indiffère votre majorité pour les motifs les plus divers, ce n’est assurément pas parce que je vous suis politiquement opposée, c’est parce qu’il s’agit à vos yeux de quelques amas de briques que l’on peut sans dommage disjoindre après les avoir assemblées.

Sans doute me répondra-t-on qu’il s’agit d’une affaire purement privée, et que chacun est après tout bien libre de raser son bâtiment sans que la puissance publique ne s’en préoccupe. Si vous aviez en son temps louangé le social-libéralisme du Président Hollande, je vous aurais volontiers crue sincèrement ralliée au respect absolu de la propriété privée. Mais précisément, je crois me souvenir que vous fîtes tout l’inverse.

C’est ainsi que j’en vins à m’intéresser au sort que vous réservez depuis deux décennies aux 18 édifices religieux qu’a confiés à notre commune la loi du 9 décembre 1905, répartis entre une synagogue, quinze églises catholiques romaines dont une désacralisée, un temple réformé et une église anglicane. 

A en croire la presse souvent bien informée, vous avez consacré plus de 26 millions d’euros entre 2001 et 2019 à la rénovation et l’entretien d’édifices cultuels. Cela peut sembler considérable mais chacun a pourtant pu constater que des églises étaient régulièrement rendues inaccessibles dans l’urgence absolue, parfois pour de très longues années. Saint Sauveur, par exemple, située en face même de notre Beffroi municipal, soudainement fermée en janvier 2014 et dont votre conseiller délégué au patrimoine, M. Dominique Plancke, déclarait, je cite, qu’elle « pourrait rouvrir ses portes sous deux ou trois semaines, mais ce ne seront que des rustines »… Des travaux de sécurisation annoncés en juillet 2015, la presse rappelait en janvier 2017 que les riverains n’avaient rien vu venir…

Avant elle, Saint Maurice a été grillagée en 2013 pour contenir des chutes de pierres, ainsi que Saint Etienne la même année et pour les mêmes mobiles, le Sacré-Cœur précipitamment fermé en 2018 pour cause de mérule, Saint Pierre Saint Paul de Wazemmes en 2019 pour des champignons et insectes attaquant la charpente, Saint Michel en octobre 2020 pour la même raison, Notre-Dame de la Consolation du quartier Vauban en décembre dernier toujours pour sa charpente… J’en oublie évidemment, citant pour mémoire les filets suspendus à l’intérieur même de Saint Etienne, qui paraissent destinés à protéger le visiteur de chutes d’éléments internes à l’édifice, tandis la façade d’enfonce vers la rue en entraînant avec elle le très bel orgue construit en 1840 par la manufacture Daublaine & Callinet, restauré en 1995 après avoir été classé à l’inventaire des Monuments Historiques le 18 juillet 1980.

A chaque fois, le scénario est rodé : la municipalité organise une visite de contrôle, découvre que l’église s’effrite ou se laisse dévorer par les champignons, et sa fermeture est annoncée dans l’urgence.

Sans doute sommes-nous nombreux dans cette enceinte à être profanes en bâtiment, et à nous interroger naïvement : les églises sont-elles si rarement visitées, ou les vieilles charpentes si rapidement friables qu’en les contrôlant régulièrement on les découvre en état de péril imminent d’une visite à l’autre ?

Parmi les arguments qui nous ont été opposés lorsque nous avons tenté de vous inciter à sauver la chapelle Saint Joseph, l’un fut que ses défenseurs avaient trop tardé. Ainsi avons-nous été fortement incités à nous montrer aussi attentifs que prévoyants, soucieux d’éviter que notre patience puisse nous être reprochée.

Des associations de défense du patrimoine existent, actives dans notre commune ; encore faut-il les informer des diagnostics effectués et des travaux projetés, leur offrant ainsi une sorte de droit de suite.

Des bâtiments privés méritent d’être protégés, encore faut-il engager un dialogue constant avec leurs propriétaires afin de s’assurer qu’ils ne les laissent pas se dégrader pour invoquer leur état d’abandon comme mobile de leur destruction, et s’appuyer sur les associations précitées lorsqu’une veille réglementaire paraît requise quant à des projets d’urbanisme.

Il nous a été indiqué qu’un diagnostic complet des édifices cultuels propriété de la ville avait enfin été réalisé ; ses conclusions peuvent-elles être communiquées à notre conseil ? Des contacts auraient été pris avec le diocèse ainsi que le doyenné afin d’harmoniser les interventions ; quel est leur avancement ?

Il faut le rappeler pour conclure : les édifices religieux propriété des communes le sont pour avoir en 1905 été prélevés dans le patrimoine d’institutions qui les avaient financés par la générosité de leurs fidèles. La puissance publique serait malvenue de laisser aujourd’hui s’effondrer un patrimoine dont elle s’est emparée, au motif que son entretien serait trop onéreux. La laïcité a voulu que des immeubles fussent saisis sans indemnité, elle impose aujourd’hui de les conserver, quel qu’en soit le devenir et l’affectation ultérieure, au fil du déclin des pratiques religieuses. D’aucuns s’étonnent, d’ailleurs, que les églises rénovées, telle récemment celle de Fives, ne soient pas encouragées à organiser des concerts ou activités culturelles qui pourraient être aidées à être médiatisées.

C’est donc une politique durable que notre assemblée est en droit d’attendre de vous, dont je vous remercie de nous communiquer les axes fondateurs.

Je vous remercie.

Vanessa Duhamel