Conseil Municipal

Conseil Municipal : Non à l’extension brutale et massive du stationnement payant

Intervention Vanessa Duhamel

Madame le Maire, chers collègues ;

La lecture attentive de la presse locale aura permis à nos concitoyens d’apprendre votre décision d’extension du stationnement payant à la quasi-totalité de notre commune, ainsi que ses motivations, avant que par pure formalité notre conseil ait à en délibérer.

Il s’agit de diminuer la pollution de l’air liée aux transports, provoquée par les véhicules individuels thermiques dont la production cessera dans treize ans, et de freiner leur remplacement par des véhicules électriques ou à hydrogène individuels ou partagés.

Deux des dix quartiers lillois demeureront gratuits, l’un parce que des travaux y seront entrepris qui le rendront sans doute inaccessible, l’autre parce qu’y stationneraient peu de véhicules et qu’on souhaite probablement en attirer un plus grand nombre. Hellemmes et Lomme, qui sont mitoyens des quartiers de Fives et Bois-Blancs devenant payants, seront également épargnés, mais il est vrai que les électeurs Lommois ont à vos yeux d’éminentes qualités.

Monsieur Richir a rassuré les lecteurs, « tout était dans (votre) programme », en effet plébiscité par 40% des votants, tandis que Monsieur Duhem assurait que c’est un choix politique courageux, car il plaira à la majorité des Lillois, bien que leur bonheur soit peut-être destiné à demeurer silencieux.

C’est bien commode quand on y songe, puisqu’on n’a interrogé ni consulté personne, et qu’on pourra ainsi se déclarer certain que les protestataires seront minoritaires, car c’est bien connu, les grandes joies sont muettes.

Pour autant, si le défaut de concertation est récurrent dans votre gestion municipale, nous demeurons étonnés qu’une maire NUPES se désintéresse aussi ostensiblement de la problématique brûlante du pouvoir d’achat des classes populaires.

Deux catégories de populations seront ainsi directement concernées : les habitants aux revenus modestes, qui certes sont présumés bénéficier de tarifs réduits, mais n’en subiront pas moins une hausse du coût de la mobilité, au moment même où l’inflation s’emballe avec la crise ukrainienne, sans que l’on puisse préjuger de la durée de la politique publique d’amortissement de ses effets ; et les travailleurs précaires venant de périphéries parfois lointaines, qui seront contraints de stationner plus loin encore pour achever leur trajet par des transports collectifs, et verront des horaires déjà épuisants encore alourdis dans leur amplitude.

On peut d’ailleurs souligner que vous évoquez le développement de parkings relais et des transports en commun, mais à un horizon qui semble singulièrement déconnecté de l’explosion prochaine du coût du stationnement.

La naissance toute récente du « Collectif de la page 13 » illustre parfaitement l’injustice sociale ressentie par les habitants des quartiers populaires, dont certains auront à payer pour stationner leur véhicule devant une maison dépourvue de garage dans le même temps qu’ils paieront les transports en commun pour aller travailler. L’exemple qu’une protestataire donne de « Fives Cail » est éclairant, puisqu’on gentrifie ce secteur en prévoyant d’y créer des stationnements plus onéreux que le celui du statut de résident, ce qui ne manquera pas de provoquer un effet « domino » vers les rues ouvrières voisines, dont les habitants moins aisés se verront dépossédés.

Ne négligeons pas non plus les étudiants, qui conduisent généralement des véhicules immatriculés au nom de leurs parents et ne peuvent bénéficier d’un tarif résident sans mutation de carte grise, laquelle coûte environ 240 euros. Leur statut n’est pas différent de celui des travailleurs pauvres, leurs automobiles étant généralement de seconde ou troisième main.

Plusieurs pistes de réflexion nous paraissent avoir été omises, dont une minoration plus significative au bénéfice des véhicules propres, appelés à se substituer aux modèles thermiques, ou l’amélioration de l’offre de stationnement en centre-ville, par la remise à plat des règles de distribution du produit du stationnement dans les parkings privés, actuellement très défavorables à notre commune.

Ces idées, et beaucoup d’autres, auraient sans nul doute prospéré dans le cadre d’une concertation préalable, qui aurait permis d’associer véritablement les conseils de quartier, les associations de riverains et les commerçants, éternels oubliés des politiques d’éloignement de leur clientèle motorisée. De même, aurait-on pu comprendre et peut-être amender le calendrier de déploiement de la tarification, dont la logique interne ne saute pas aux yeux ; là encore, l’apport des conseils de quartier eût été déterminant.

Aussi, vous suggérons-nous de retirer cette délibération en vue de la représenter amendée après une large concertation, à laquelle notre groupe, qui n’est pas opposé au principe de tarification, s’il est tempéré par l’impératif de justice sociale, contribuera volontiers dans un esprit constructif.

Je vous remercie.