Madame le Maire, chers collègues ;
Les sciences budgétaire et fiscale sont pour une large part obscures aux yeux de nos concitoyens, qui bien souvent les résument en un mot : « impôt ».
L’impôt, ce Père Fouettard du budget de familles pourtant souvent bien modestes, qui se mue parfois en affameur en période de disette, jusqu’à provoquer des Révolutions.
Dans notre ville il est lourd, et ne va pas en s’allégeant ; d’abord parce qu’il part de très haut, ensuite parce que l’impôt foncier suivant désormais l’inflation pour rassurer les communes alarmées de la disparition progressive de la taxe d’habitation, la ponction se fait chaque année plus sévère, quand bien même le taux demeure inchangé… Et qu’il ne semble pas entrer dans vos projets de le diminuer.
A cela s’ajoutera bientôt, rappelons-le pour mémoire, la manne inépuisable d’un stationnement payant généralisé au-delà de toute nécessité et des myriades de forfaits de post-stationnement (FPS) consécutifs qui s’abattront sur les automobilistes privés de toute alternative crédible à leur véhicule individuel, avant que de nombreux travailleurs pauvres venus de la périphérie de Lille ne soient contraints de renoncer à leur emploi et ne tarissent ainsi cette corne d’abondance.
Aux yeux d’une majorité municipale, cette fois, l’impôt n’est que douceur ; il permet de dépenser, parfois sans trop compter. Ainsi l’année 2023 verra-t-elle environ 10 millions d’euros de recettes supplémentaires, sans augmentation de taux.
C’est ainsi, nous le savons, qu’au fil des années notre commune a taxé, embauché et dépensé à la fois… Jusqu’à dépenser trop, ce qui inexorablement conduit à accroître un endettement qui aurait sagement dû n’être consacré qu’à financer des investissements utiles aux Lillois.
Puis, survient l’imprévu, et la situation se tend, jusqu’à parfois devenir critique. Pensons à titre d’exemple à la part à taux variable de notre endettement, de l’ordre de 33,70 %, ce qui demeure considérable malgré une réduction progressive. Les 113,85 millions d’euros concernés généreront ainsi environ 1,77 millions d’euros de surcoût…
Comment expliquer qu’après de longues années d’inflation si basse notre ville soit encore aussi exposée à la variation des taux d’intérêt ? Qui pouvait ignorer qu’ils ne manqueraient pas d’augmenter ?
Globalement, ce sont 3,10 millions de charges financières supplémentaires annoncées pour l’année 2023.
Nous apprenons, pour nous en réjouir, que la dette est au plus bas depuis 10 ans ; ne boudons pas notre plaisir, car elle demeure en 2021 de 1.485 euros par habitant contre 1.107 euros en moyenne dans notre strate des communes de plus de 100.000 habitants, et, rappelons-le, les élus d’opposition qui nous ont précédés vous alertaient déjà sur son niveau élevé.
Signalons cependant que le remboursement de l’annuité de la dette devant s’élever à 29 millions d’euros pour une épargne brute de 30 millions, l’équilibre sera précaire, toute baisse de recettes ou augmentation des charges exigeant une suspension d’investissements… Ou un recours supplémentaire à la dette.
De la même manière, le surcoût des investissements décalés sera considérable ; bien entendu, nous nous réjouissons que la commune réinvestisse après la « pause covid » et s’engage résolument dans la transition écologique ; mais elle réinvestit au moyen de l’endettement, au moment même où les taux ont entre-temps bondi.
Nous prenons également acte du frein enfin mis à la hausse des effectifs, passés de 4.275 postes en 2020 à 4.397 postes en 2022 ; rappelons qu’en 2021 la charge du personnel par habitant s’élevait à 863 euros, pour une moyenne de 699 euros dans les communes de la même strate… Cet écart de 164 euros représentant un surcoût annuel de 38,60 millions d’euros.
Une déception, aussi, en matière associative : les dotations aux associations, dont le rôle d’amortisseur social est crucial en temps de crise, demeurent inchangées alors qu’elles aussi ont à subir l’inflation que nous connaissons… Dans le même temps, 2.750.000 euros sont affectés à Lille 3000, totem et tabou de votre politique culturelle.
Que conclure, en définitive ? Que votre majorité paraît avoir pris conscience, certes tardivement et confrontée à des temps arides, de la nécessité de ménager les équilibres les plus cruciaux, mais sans mettre en œuvre ce qui devrait être une planification digne des ambitions de notre capitale régionale.
Qu’elle a aussi pris la mesure de la crise énergétique et partagé l’effort contraint de nos concitoyens, dans une solidarité bienvenue ; à cet égard, nous pouvons vous créditer de la réussite du plan de sobriété.
Le verre est ainsi à moitié plein, mais d’une boisson amère. Parce qu’il est cette année à demi plein, nous ne voterons pas contre ; parce que le contenu demeure amer, nous nous abstiendrons.
Je vous remercie.
Vanessa DUHAMEL