Conseil Municipal

Conseil Municipal : Soutien au Haut-Karabagh

Intervention de Vanessa Duhamel, Conseillère municipale et métropolitaine à Lille, Cheffe de file du Modem lillois

Madame le Maire, chers collègues ;

Le 19 septembre dernier, notre pays, je cite, « condamn(ait) avec la plus grande fermeté le lancement par l’Azerbaïdjan d’une opération militaire au Haut-Karabakh, avec l’utilisation d’armements lourds, y compris contre des zones habitées », ajoutant qu’ « aucun prétexte ne peut justifier une telle action unilatérale, qui menace des milliers de civils déjà affectés par des mois de blocus illégal et va à l’encontre des efforts déployés par la communauté internationale pour parvenir à un règlement négocié. »

Le 27 septembre, le gouvernement annonçait « une aide financière supplémentaire de 7 millions d’euros destinée aux ONG, aux agences des Nations unies et au mouvement de la Croix-Rouge en Arménie pour l’accueil et la prise en charge sociale, médicale et financière de ces populations. »

Cette aide financière s’ajoutait « aux 5,5 millions d’euros déjà alloués par la France depuis le début de l’année 2023, portant à 12,5 millions d’euros le soutien apporté aux réfugiés et déplacés en Arménie et au Haut-Karabakh depuis le début de l’année. »

Elle était complétée par un fret humanitaire d’urgence destiné en particulier à la prise en charge des réfugiés et des victimes de l’explosion d’un dépôt de carburant dans le Haut-Karabakh le 25 septembre au soir.

Le 5 octobre, Mme Catherine Colonna, notre Ministre des Affaires Etrangères, dénonçait sur une chaîne de télévision publique (France 2) : « un exode forcé, des gens qui doivent quitter leurs terres ancestrales, leurs foyers, après des opérations militaires ou sous la menace de nouvelles opérations militaires. » Répondant à la question d’un journaliste, elle confirmait que la situation constatée dans la région du Haut – Karabakh s’apparentait à « un nettoyage ethnique ».

Devant le risque d’extension du conflit à l’Arménie voisine, notre Ministre en visite à Erevan sa capitale avait précédemment annoncé, le 3 octobre, que notre gouvernement avait « donné son accord pour la livraison de matériel militaire à l’Arménie afin que le pays puisse se protéger ».

De tous temps, la France a reconnu les pays et non leurs gouvernements, à de très rares exceptions près, et respecté les frontières internationalement reconnues, quels que soient les liens affectifs que nous entretenons avec certains peuples, parmi lesquels le Peuple Arménien occupe une place particulière et séculaire.

Si nous soutenons le combat héroïque du Peuple Ukrainien contre l’envahisseur Russe, c’est au nom du respect des frontières ; nous ne pouvons déroger au respect du Droit International quelles que soient nos affinités, et nos affinités sont Arméniennes. Cela déplaît, le Maroc en est un exemple récent, qui nous tient rigueur de contester l’annexion par la force des armes de l’ancien Sahara espagnol, mais la voix de la France n’est encore écoutée que parce qu’elle incarne la primauté du Droit et la défend parfois au détriment d’intérêts mercantiles. Nous ne pouvons appeler à l’indépendance du Haut-Karabakh, mais nous devons œuvrer au respect des Droits Fondamentaux de ses habitants historiques.

Le Droit International condamne le blocus, et nous l’avons condamné, et la déportation de masse, qui s’apparente lorsqu’elle est fondée sur l’ethnie ou la religion à un crime contre l’humanité. Le Droit a ses règles, et sa temporalité ; en Ukraine aujourd’hui, les preuves des crimes perpétrés par l’agresseur Russe sont documentées afin de préparer le moment venu le procès des criminels. Pour l’heure, l’urgence est à l’aide humanitaire aux réfugiés, ainsi qu’à la protection de leur terre d’accueil, la République d’Arménie.

Le Président de la République souhaite poursuivre pressions et négociations, auxquelles se refusent à la fois l’Azerbaïdjan et la Turquie, l’ennemi séculaire du Peuple martyr Arménien. Lorsque les réfugiés seront en sécurité et l’Arménie à même de défendre sa propre intégrité territoriale, viendra s’il n’est d’autre choix le temps des sanctions.

Nous étions réunis ce 9 octobre pour rendre hommage aux victimes d’un terrorisme aveugle ; le martyr séculaire du Peuple Arménien eût mérité une égale unanimité. De petits calculs boutiquiers ont réuni pour nous exclure les alliés d’hier, déchirés puis raccommodés après que les uns ont tenté de faire annuler la réélection des autres.

“L’Arménie expire. Mais elle renaîtra. Le peu de sang qui lui reste est un sang précieux dont sortira une postérité héroïque. Un peuple qui ne veut pas mourir ne meurt pas. ” disait à la Sorbonne Anatole France le 9 avril 1916. Parce que la postérité héroïque de ce peuple au sang précieux aura tôt fait de jeter dans les limbes d’un oubli charitable les petits calculs des petites boutiques, nous voterons cette motion, au nom d’une France éternelle du Droit et de la morale, celle qui a éclairé le monde des feux de sa Lumière libératrice.

Je vous remercie.

Vanessa DUHAMEL