Intervention de Vanessa DUHAMEL – Conseillère municipale et métropolitaine à Lille- Cheffe de file du Modem à Lille
Madame le Maire, chers collègues ;
Dans l’exorde de mon propos du 3 février 2023, j’évoquais la lourdeur croissante de l’impôt foncier et « la manne inépuisable » du stationnement payant généralisé conjugué aux « myriades de forfaits de post-stationnement (FPS) (…) qui s’abattront sur les automobilistes privés de toute alternative crédible à leur véhicule individuel, avant que de nombreux travailleurs pauvres venus de la périphérie de Lille ne soient contraints de renoncer à leur emploi et ne tarissent ( …) cette corne d’abondance. »
Il arrive qu’on rougisse de se relire, ou inversement qu’on rougisse d’autrui. Il est ici aisé de trancher, puisque la fiscalité directe croîtra de 3,7% pour presque 7 millions de hausse de l’impôt, le stationnement de 55,80 % soient 5 millions 300 mille euros… et le post-stationnement de 106 %, soient 5 millions 300 mille euros.
On s’arrête un instant, on croit rêver, mais non : le chiffre est bien là, la traque haletante de l’imprudent visiteur de la capitale des Flandres l’écrasera de plus de 25 millions d’euros, 10 millions d’euros de plus que l’an dernier, sans que rien ni personne ne lance des investissements pour des parkings relais.
Le message est clair : les Lillois pratiquent l’entre-soi, le voyageur n’ayant d’autre utilité que de financer leur épargne brute ; encore un effort Monsieur le bourreau, une année encore, et nous y parviendrons dès 2025 ; 5 millions à ponctionner encore et c’est l’étranger qui financera seul toute l’épargne de la ville, la santé financière de la ville ne dépendant que du stationnement payant ou plutôt taxant. « Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se brise » ; nous l’augurions l’an dernier et il suffit d’attendre, la surpêche éteindra le saumon. On aura tôt fait de le savoir : il faut venir à Lille à pied, en vélo, en métro, mais jamais, surtout, y tenir un volant. La manne aura tôt fait de se tarir.
Dans le même temps, année après année, l’augmentation des charges financières se poursuit, plus 11,70 % cette année, pour plus d’un million cent mille euros. Cela ne fera que croître, puisqu’alors que nous apprenions avec satisfaction l’an dernier que notre endettement était au plus bas depuis dix ans, notre bonheur fut court, l’endettement repart à la hausse cette année, et les charges corrélatives bondiront dès l’an prochain.
En 2023, le remboursement de l’annuité de la dette s’élevait à 29 millions d’euros pour une épargne brute de 30 millions ; cette année à près de 30 millions d’euros pour une épargne brute de 30,7 millions ; on voit inexorablement approcher les deux lames des ciseaux.
La dette Lilloise est supérieure de 31 % à celle de villes de la même strate ; 4ème ville la plus endettée de France, quasiment plus que celle de Lyon, dont la population est plus du double de la nôtre.
Circonstance aggravante, la part de dette à taux variable, qui certes rebaissera un peu cette année, et qui était en 2022 de l’ordre de 33,70 %, est aujourd’hui de 33,89 %, pour une dette passant de 113,85 millions à 117,60 millions d’euros. Si l’on sait que le taux moyen de la dette fixe s’élève à 2,15 % et celui de la dette variable à 4,43 %, le surcoût généré par la part variable de notre endettement est proche de 2 millions 700 mille euros !
S’agissant des effectifs, la modération dont nous vous créditions l’an dernier a pris fin, et la hausse reprend : 4.275 postes en 2020, 4.429 prévus en 2024. Rappelons-le, les dépenses de personnel sont à Lille supérieures de 31 % à celles de villes de la même strate, la commune étant la 5ème la plus « chargée » en frais de personnel. Qui plus est, de nombreux postes non pourvus contraignent à recourir aux primes pour compenser l’effort des équipes, dont nous saluons le dévouement.
Un bon point, en revanche, quant à la redistribution de la manne sus-évoquée : les subventions aux associations croissent de l’ordre de 5 %, après un gel, que nous avions regretté, depuis l’année 2020.
La culture attire l’attention : stabilité pour les acteurs culturels, avec, nous vous en créditons, une diminution de 200 mille euros s’agissant de Lille 3000… dont les prochaines festivités sont programmées pour 2025. Il nous faudra attendre le prochain exercice budgétaire pour apprécier à sa juste valeur le terme éventuel aux années de dispendieuse splendeur.
Que conclure, en définitive ? Que votre majorité, qui l’an dernier paraissait, je me cite, « avoir pris conscience, certes tardivement et confrontée à des temps arides, de la nécessité de ménager les équilibres les plus cruciaux »… semble revenir à de médiocres habitudes antérieures, taxant et empruntant pour continuer à dépenser, c’est-à-dire obérant l’avenir plutôt que de remettre à plat les grands équilibres par les temps de crise durable que nous connaissons. Que ferez-vous lorsque l’automobile pressurée sera éteinte, l’immobilier toujours atone, les taux envolés et les coûts démultipliés par l’impéritie ?
Notre opinion comparative est donc plus sévère cette année ; au verre à demi-plein, mais d’une boisson amère, succèdent à présent les premières gouttes de cigüe. Notre jeunesse dirait « le sèmm », c’est-à-dire le venin. Parce que nous demeurons solidaires de ceux qui reçoivent, nous nous abstiendrons, mais d’une abstention plus alarmée que celle qui l’a précédée.
Je vous remercie.
Vanessa DUHAMEL