Conseil MunicipalLille

Subvention à l’association Interfel

Conseil municipal du 28 avril 2025

25/171 Subvention à l’association Interfel pour l’organisation d’animations commerciales « Fruits et légumes frais »

Être élu, ce n’est pas seulement soutenir ce qui est populaire ; c’est aussi interroger ce qui est présenté comme évident.

Ce soir, nous sommes appelés à attribuer une subvention de 11 109 euros à l’association Interfel pour organiser des animations autour des fruits et légumes frais sur les marchés de Lille, Lomme, Hellemmes et aux Halles de Wazemmes.

Soutenir une alimentation saine est un objectif légitime, que nous partageons tous.
Mais notre responsabilité d’élus est aussi d’examiner avec rigueur à qui nous confions l’argent public, et pour quels objectifs réels.

Or, Interfel n’est pas une association locale portée par des bénévoles.
C’est l’interprofession nationale des fruits et légumes frais, regroupant les principaux syndicats agricoles et fédérations professionnelles de la filière, avec un budget de plus de 20 millions d’euros par an.
Elle est également inscrite auprès de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique. Ce n’est pas une critique gratuite : en 2018, le Tribunal administratif de Paris a estimé que certaines actions d’Interfel relevaient plus de la promotion commerciale que de l’intérêt public éducatif

Le projet présenté affiche un budget global de 22 219 euros, dont plus de 11 000 euros financés par la Ville de Lille.
Parmi les postes financés, on trouve :

  • 1 899 € pour un photobooth,
  • 2 104 € pour un vélo à smoothies,
  • plus de 4 000 € pour des animations diététiques.

Ces sommes ne visent-elles pas à promouvoir une stratégie sectorielle nationale, plutôt qu’à soutenir des initiatives locales de sensibilisation ?

C’est à nous, élus locaux, de poser la question : devons-nous financer des initiatives nationales, ou devons-nous prioriser les projets locaux, ceux portés par nos commerçants, nos syndicats de marché, nos associations de proximité, véritables acteurs de l’intérêt général ?

Mais au-delà de cette délibération, un sujet bien plus important nous oblige à être vigilants. celui du marché de Wazemmes : le cœur vivant de notre ville, un lieu de brassage social, un espace de vie populaire et solidaire ( qui incarne l’identité lilloise depuis plus d’un siècle.)

Aujourd’hui, ce marché est fragilisé par une décision précipitée par l’externalisation de  sa gestion par un prestataire privé.Une décision prise sans concertation réelle, sans bilan préalable, sans débat public.

Le 4 avril dernier, un appel à candidatures a été lancé discrètement, pour confier le placement des commerçants et l’encaissement des droits de place à un opérateur privé.
À peine quinze jours pour répondre : un délai extrêmement court, qui traduit une volonté d’accélération plutôt que de transparence.

Sur le terrain :

  • Les commerçants n’ont pas été correctement informés.
  • Les élus n’ont pas été associés.
  • Aucun document précis sur le futur contrat n’a été présenté.
  • Et fait troublant : le prestataire pressenti, le groupe Bensidoun, était déjà visible sur place avant même l’attribution officielle du marché.

Vous allez sans doute nous invoquer la dégradation du service actuel de la régie municipale pour justifier cette externalisation.
Mais cet échec de la régie municipale, c’est d’abord le vôtre car c’est sous votre gouvernance que la gestion du marché s’est détériorée
Les conséquences de cette vacance sont évidentes : des commerçants désorientés, des questions légitimes sur le placement des stands et l’encaissement des droits de place. C’est pourquoi, ce soir, je demande solennellement à la Ville de chiffrer la perte financière liée à cette situation. Car l’immobilisme a un coût, un coût qui impacte l’argent public.

Les recettes des marchés restent stables, donc aucune urgence économique ne justifie cette privatisation précipitée. Mais ce qui est plus grave, ce sont les risques que cette externalisation fait courir au marché de Wazemmes. À Fontenay-sous-Bois, les droits de place ont augmenté de 38 % après l’externalisation. À Argenteuil, la perte du lien social a fragilisé la confiance entre la Ville et les commerçants. À Mantes-la-Jolie, des pratiques illégales ont conduit à des mises en examen.

À chaque fois, ce sont les petits commerçants qui souffrent. Ceux qui, dans le froid, au lever du jour, montent leur stand pour quelques dizaines d’euros.

Ce soir, vous avez l’opportunité de rassurer nos commerçants et les habitants de Lille, Lomme et Hellemmes, en vous engageant clairement :

  • à ce que le nombre de commerçants ne soit pas réduit,
  • et que le prix des places n’augmente pas.

Car si les commerçants, pris dans les réalités de leur métier, n’ont pas toujours la possibilité d’anticiper toutes les conséquences, c’est à nous, élus, de prendre toute la mesure de cette responsabilité, et de veiller à protéger l’avenir du marché et des commerçants.

Nous avons ce soir un choix clair :

  • Soit valider en silence un processus opaque,
  • Soit défendre l’identité populaire de notre ville, la transparence, et l’intérêt général.

C’est pourquoi je demande solennellement :

  • La suspension immédiate de la procédure d’externalisation,
  • La consultation formelle des commerçants,
  • L’organisation d’un débat public sur l’avenir du marché de Wazemmes.

Wazemmes n’est pas une ligne budgétaire. Wazemmes, c’est Lille. Et Lille, ce sont ses habitants, ses commerçants, ses mémoires partagées.

Nous devons être dignes de ce que nous représentons.

Je vous remercie.