Lille 3000, élément phare du rayonnement culturel de Lille ? Il ne se trouve plus que quelques esprits chagrins pour le chipoter. Au moment de voter hier soir deux subventions de 3,4 M€ au total, cependant, les avis ont divergé. Et la majorité a tangué.
« Il y a des aigreurs, des jalousies dans cette ville », prévenait Catherine Cullen peu avant la séance. Il y eut surtout, hier soir, une divergence de fond et une question posée à l’unisson, bien qu’en des termes différents, par l’opposition et les Verts : qui fait la politique culturelle à Lille ? Des deux subventions à Lille3000, la plus lourde, 1,9 M€, a suscité le moins de réticences. Sans doute parce qu’elle marque une « simple » montée en puissance : depuis 2005, la ville verse, chaque année. 1,5 M€ à l’association Lille 2006-2008 (autrement dit Lille3000) pour l’organisation des grands-messes que l’on sait : Bombaysers en 2006, Europe XXL en 2009 ou « Fantastik » en 2012. Hier, la ville a porté son écot à 1,9 M€ annuels. « En 2012, ils vont faire un très gros programme, sur sept mois, un vrai petit Lille2004 », justifiait préventivement l’adjointe à la culture. Oui mais tout de même, 400 000 « de rab ?
« L’augmentation est légitime, défend en séance Pierre de Saintignon, elle prend en compte un budget à coûts constants. » L’adjoint ne dit pas quel taux d’inflation il retient pour boucler pareil calcul. N’importe. La religion des Verts est faite : « Nous souhaitions que cette augmentation de 27% ne soit accordée qu’une fois le projet de 2012 présenté ». grince Dominique Plancke au micro. Refusant de payer à l’aveugle, les écolos s’abstiennent. Au contraire de l’opposition qui. tout en « regrettant de ne pas pouvoir discuter sur le bilan de XXL », mêle sa voix au reste de la majorité.
Pardi, Christian Decocq a déjà ses batteries tournées vers l’autre subvention. Celle qui attribue à Lille3000 1.5 M€ « de subsides municipaux pour la « coordination » de la gare Saint-Sauveur de mars à octobre 2010. « Ça ouvre la réflexion sur le rôle de Lille3000 », pose l’ancien parlementaire. « Les services de la ville sont capables de gérer en direct, martèle Dominique Plancke en second rideau. C’est à la ville d’assurer la maîtrise d’œuvre. » Quelques heures plus tôt. l’adjointe à la culture déminait : “Il y a un coordonnateur extrêmement compétent. c’est Lille3000. Ils ont prouvé qu’ils savaient le faire. On ne cherche pas à embaucher une nouvelle équipe, ou à faire une Maison folie, mais quelque chose d’ouvert. » Et la socialiste de préciser que sur les 1.5 M€, 950 000 » rejailliront sur une « quarantaine d’associations » par l’entremise de Didier Fusillier et les siens. Problème : ce costume d’intermédiaire passe mal.
Dans sa publication de janvier, le syndicat Sud des agents de la ville s’interrogeait en grosses lettres : « Vers une privatisation de la culture à Lille ? » Privatisation. Christian Decocq n’a pas usé du terme, mais il fallait l’entendre, hier, donner des leçons de « service public » à la majorité pour le croire. Dénonçant dans l’emprise croissante d’un acteur privé un « outil de détournement de la gestion publique », l’opposant cite à charge « ces associations culturelles qui se plaignent de la place politique et financière de Lille3000 ». Siphonnage des crédits culturels au profit d’un seul ? L’argument était réfuté quelques heures plus tôt par Catherine Cullen « Personne ne s’est plaint. Les associations ne voient que des avantages à travailler avec Lille3000. Notre politique, c’est de faire monter tout le monde, pas de réduire. Cet argent est en plus, il n’est pas retiré à d’autres. » En séance, l’élue agite un chiffre comme un gri-gri : « 4 % seulement du budget culture est consacré à Lille3000. »
La ficelle est un peu grosse pour Christian Decocq : « Pardon, mais pour apprécier le poids de ces 3,4 M€, il faut les ramener non au budget total de la culture, mais aux subventions.» A son compte, Lille3000 compte pour près d’un tiers dans l’action culturelle de la ville. Et au moins autant dans les dimensions de la majorité ?
Sébastien Bergès pour la Voix du Nord du 02/02/2010