La courte victoire de Martine Aubry est remise en question par ses opposants LRM et EELV. Deux recours ont été déposés au tribunal administratif pour dénoncer des « irrégularités pendant la campagne et pendant les opérations de vote ».
Sourires crispés et regards inquiets. Jamais l’ambiance lors d’un conseil municipal d’installation n’avait été aussi lourde à Lille. Vendredi 3 juillet au soir, Martine Aubry a été élue maire avec les 43 voix de sa liste (Lille en commun, Lille en confiance) sur les 61 élus du conseil municipal. Mais l’heure n’était pas à la fête pour ce début de quatrième mandat de l’ancienne ministre.
Un peu plus tôt dans la journée, Violette Spillebout, candidate La République en marche (LRM), arrivée en troisième position avec 20,58 % des suffrages lors du second tour des élections municipales, a déposé au tribunal administratif de Lille une « protestation électorale » visant à l’annulation des élections municipales lilloises. A 17 h 50, c’était au tour du candidat Europe Ecologie-Les Verts, Stéphane Baly, de déposer lui aussi un recours. Dans les deux cas, une volonté de dénoncer des irrégularités constatées pendant la campagne et pendant les opérations de vote.
Dossier d’une vingtaine de pages
« Je n’ai aucun intérêt personnel, a précisé Violette Spillebout. Je le fais pour les Lillois, pour leur redonner de l’espoir. Pour moi, c’est un risque politique et un risque d’être qualifiée de mauvaise perdante mais j’assume. » La candidate de Faire respirer Lille a tenu à dénoncer des « transgressions à la démocratie ».
Dans son viseur, Martine Aubry et son équipe. « L’abstention a été massive (68,27 %) et plus de 60 % des Lillois n’ont pas voté pour la maire sortante, souligne celle qui a recueilli 7 919 voix. L’écart de 227 voix, soit 0,2 % des inscrits, entre Mme Aubry et Stéphane Baly interpelle. »
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Lors de la soirée du second tour, deux instituts de sondages avaient annoncé à la sortie des urnes la victoire du candidat écologiste. A 21 h 10, le résultat définitif tombe : Martine Aubry l’emporte avec 15 389 voix contre 15 162 pour Stéphane Baly. De quoi alimenter les soupçons déjà présents au cours de la campagne. Héloïse Hicter, l’avocate de Violette Spillebout, précise en effet que la requête « révèle un certain nombre d’irrégularités dans le cadre de la campagne et du déroulement du second tour ».
C’est désormais à un juge du tribunal administratif de Lille d’en décider dans les prochains mois. Sur son bureau, le magistrat va découvrir un dossier d’une vingtaine de pages accompagné de près de 200 pièces justificatives déposé par la nouvelle conseillère municipale Violette Spillebout et un de ses colistiers, l’ancien sous-préfet Louis-Dominique Laugier.
Les motifs de la requête sont multiples. Il est question par exemple de « tentatives d’influencer le vote d’un collège électoral ou d’une fraction de ce collège » au sujet de cette présidente d’une association subventionnée par la mairie soupçonnée d’avoir utilisé le carnet d’adresses du fonds de participation des habitants pour demander à 270 structures lilloises de se positionner « clairement » en faveur de Martine Aubry. « Ces méthodes, c’est tenter d’obtenir leur soutien et leur suffrage en contrepartie des subventions d’ores et déjà versées, indique la requête. Cela constitue une manœuvre destinée à fausser la sincérité du scrutin. »
Il y a aussi le cas de cette sportive lilloise de haut niveau, membre du comité de soutien de Martine Aubry, cosignataire d’un tract de soutien des acteurs des quartiers, et embauchée par la ville de Lille le 16 mars 2020. Enfin, le jour du vote, plusieurs incidents ont eu lieu comme des mentions portées sur les procès-verbaux raturées ou effacées au blanco, ou des procurations acceptées à tort (les noms ne figuraient pas sur les listes d’émargement).
« Méthodes de collusion »
Ancien adjoint PS de Martine Aubry, désormais conseiller d’opposition au côté de Violette Spillebout, Bernard Charles estime que « certaines méthodes » ont toujours existé lors des élections. « Il suffit de reprendre ce qu’il s’est passé lors d’un congrès du PS », dit-il en faisant allusion aux 42 voix d’écart entre Ségolène Royal et Martine Aubry au congrès de Reims, en 2008. « Mais aujourd’hui, il y a une dégradation extrêmement forte de l’aspect démocratique, avec un isolement de plus en plus important, et des méthodes de collusion, de copinage », regrette-t-il.
Visiblement émue, le visage grave, la nouvelle maire a promis vendredi soir de faire honneur à la démocratie. Ceinte de son écharpe bleu-blanc-rouge, Martine Aubry est revenue brièvement sur l’élection. « Mes premières pensées vont aux Lillois, ils sont le cœur de mon engagement », a-t-elle rappelé.