Madame le Maire, chers collègues ;
Ce sont de bonnes nouvelles que les projets de restauration des couvertures ; elles me conduisent à une réflexion que je voudrais partager en propos introductif : en profitera-t-on pour s’assurer de l’état des charpentes et remettre en fonctionnement les nombreuses cloches muettes depuis des années dans nombre de nos églises faute de surveillance, de maintenance et de réparations nécessaires ?
Saint Pierre Saint Paul de Wazemmes, à titre d’exemple, devait bénéficier de travaux de réfection de la toiture quand l’église a dû être fermée d’urgence le 19 juillet 2019 au motif que la charpente elle-même était attaquée et dangereuse.
Dans le même état d’esprit, m’est venu aux oreilles un projet de désacralisation -ce que l’église romaine appelle sinistrement l’exécration- de plusieurs de nos édifices religieux, au motif de la faiblesse de leur fréquentation.
Certains ont déjà été fermés au public, avec l’intention manifeste de prolonger cette situation ; songeons à Saint Sauveur, qui est fissurée et surveillée à grands frais mais semble désormais stabilisée. Quand engagera-t-on les premiers travaux qui permettront précisément d’économiser le coût de la surveillance et d’accueillir de nouveau les fidèles de ce quartier désormais privé de lieu de culte ?
Il est incontestable que la fréquentation religieuse diminue ; difficilement contestable également que les églises Lilloises sont mal entretenues, ou plutôt ne sont coûteusement réparées que lorsqu’elles menacent de s’effondrer, sauf à ce qu’on les ferme durablement en espérant ainsi les effacer de la mémoire collective.
Bien que l’évêque y soit plutôt défavorable, nul ne doute que vous poursuivrez sur le chemin de l’exécration faute d’un plan d’ensemble d’entretien et de rénovation.
Gouverner c’est prévoir, et plutôt que de laisser s’effondrer peu à peu des édifices qu’ainsi vous pourrez détruire, j’aimerais vous suggérer ce que la modernité appelle une démarche pro-active : identifier un réseau d’églises Lilloises de proximité, accessibles sans trajet prolongé des fidèles y compris vieillissants et à mobilité réduite, et si d’autres ne peuvent véritablement échapper à l’exécration, les vendre lorsqu’elles sont encore en état de l’être pour en consacrer le prix à une remise en état parfaite et durable des édifices demeurant consacrés. Lorsque je dis les vendre, je songe évidemment à des ventes accompagnées de cahiers des charges assurant la pérennité de l’aspect extérieur de ces édifices qui depuis des siècles sont inscrits dans notre paysage patrimonial.
Souvenons-nous d’ailleurs, au passage, que ces églises furent financées par les derniers des fidèles et étaient entretenues à l’aide des revenus des propriétés du clergé catholique qu’on a dépossédé sans indemnité de son patrimoine pour juger aujourd’hui qu’il coûte bien cher à préserver…
Les restaurations devraient en outre être accompagnées d’une mise en valeur touristique ; Notre-Dame de Fives, par exemple, récemment restaurée, est magnifique mais ignorée ; ce patrimoine public devrait être médiatisé par notre commune afin d’y attirer le plus grand nombre de passionnés comme de découvreurs.
Plus généralement, la vente comme les restaurations nécessiteraient d’y réfléchir globalement, en commençant par déterminer les besoins. Quand une étude générale de l’état, des besoins présents et futurs et des diverses options envisageables sera-t-elle présentée aux élus Lillois, préalable indispensable à la planification de la sauvegarde de notre patrimoine religieux ?
Paul Valéry écrivait en janvier 1929 dans sa « petite lettre sur les mythes » « Que serions-nous sans le secours de ce qui n’existe pas ? » Une chose est certaine, nous ne serons plus rien quand tout sera détruit.
Je vous remercie.
Vanessa Duhamel.