Conseil municipal du 7 février 2025
Budget principal
Madame le Maire, chers collègues ;
Le 24 juin 1982, Pierre Mauroy, alors Premier Ministre, engageait la responsabilité de son gouvernement en vue de l’adoption d’un projet de loi relatif aux prix et aux revenus, présenté à l’Assemblée Nationale par son ministre de l’Economie et des Finances, Jacques Delors. C’est l’amorce du « tournant de la rigueur », officiellement entériné le 21 mars 1983.
Il existe donc des politiques d’économies courageuses, qui ne sont ni injustes ni ultra-libérales, et qui, parfois, sont mises en œuvre par des gouvernements socialistes. C’est, d’ailleurs, l’occasion pour moi de joindre ma voix à celle du 1er vice-président du MoDem Marc Fesneau, pour remercier votre parti, Mme le Maire, de n’avoir pas censuré le budget du mien.
C’est, aussi, l’occasion de souligner que notre groupe partage certains des constats exprimés dans le texte même de votre Rapport d’Orientations Budgétaires.
Incontestablement, un effort important est demandé aux collectivités. Mais aux contribuables Lillois également, car si les taux sont stables, l’indexation des bases sur l’inflation procure aux communes une véritable manne, alors que toutes leurs dépenses n’augmentent pas, je pense par exemple aux fluides, dont la charge s’allège significativement pour toute collectivité dotée de nombreux équipements.
De même, si comme vous le soulignez le pouvoir d’achat des agents s’améliore sur le fondement de mesures nationales, ce qui alourdit nos charges, leur nombre dépend de vous, qui l’avez augmenté en cinq ans de 3,70 %, soient 156 postes permanents rémunérés supplémentaires ; ce n’est pas rien, quand on estime l’augmentation de la population sur la même période à environ 1%.
Ainsi, ce sont pas moins de 27 millions de charges de personnel supplémentaires entre le Budget Primitif 2023 et celui de 2025, outre la hausse de 8 millions des charges à caractère général.
Enfin, vous le rappelez, et je vous cite, « le coût de la dette de la Ville de Lille est en 2023 supérieur à la strate des villes de plus de 100.000 habitants » ; sa capacité de désendettement « devrait s’établir autour de 7,4 ans en 2024, contre 5,8 ans en 2023 » , et « être proche de 8,6 ans fin 2025 », situation dont vous évoquez « la fragilité ». L’épargne nette, 31 millions d’euros en 2020, tombera à 13,50 millions au terme de votre mandat municipal.
Quand on songe, je les évoquais l’année dernière, aux sommes proprement faramineuses que vous rapporte la traque de l’automobile stationnante, on peut le dire aujourd’hui sans nulle exagération, ce sont les conducteurs qui sauvent notre commune de la banqueroute, à laquelle elle succomberait immanquablement s’il leur était possible de renoncer à leurs déplacements.
Entre le Budget Primitif 2023 et le BP 2025, les recettes issues des services et des domaines sont passées de 34 à 53 millions d’euros -19 millions d’euros d’augmentation-, dont 16 millions qui relèvent des recettes du stationnement… C’est ainsi qu’un Lillois, même lorsqu’il bénéficie d’un abonnement avec tarification solidaire, paie entre 3 et 8 fois plus cher pour se stationner dans son propre quartier que ses voisins immédiats de La Madeleine, Marcq ou Mons-en-Baroeul.
Une fois ces constats partagés, deux questions : pourquoi, et comment y remédier ?
Pourquoi, vous l’écrivez, « d’autres (communes) ont arrêté d’investir en raison d’un environnement de taux élevés et d’offres bancaires restreintes ». Si nous étions taquins, mais vous vous y prêtez peu, nous ajouterions qu’investir massivement au prix d’un dangereux endettement n’a rien d’extraordinaire en année pré-électorale… Après vous le déluge, le soleil des confins, loin de la grisaille des avis d’imposition qui resteront le pain sec des Lillois, particulièrement pour ceux des propriétaires dont les bases locatives ont été réévaluées et qui subissent l’effet cumulé d’un taux élevé et d’une base forte.
Sauf à nous surprendre, ce devrait être l’ultime budget des 25 ans de votre règne sans partage… Le temps est venu de juger l’arbre aux fruits !
Comment, donc, vos successeurs pourront-ils demain y remédier ? Je me tourne, à cet instant, vers ma voisine de droite, si j’ose dire. Que fera-t-elle demain, que ferons-nous ensemble ?
L’ayant interrogée, je puis vous le révéler sans trahir de secret ; oui, nos financements diminuent, et soyons sincères, la situation nationale comme internationale n’augure d’aucune rapide embellie. Nous devrons, dans les années futures, compter essentiellement sur nos forces et beaucoup moins sur l’Etat, notre Région ou notre Département, dont le tempétueux Président pourrait nous convier simplement à « aller voir ailleurs »…
En période difficile, nous le savons, le Maire est toujours l’interlocuteur de proximité et le dernier rempart. C’est cette mission à laquelle notre commune doit se préparer et déjà se consacrer, et s’en donner les moyens.
Nous entendons la nécessité d’un certain nombre d’investissements, particulièrement ceux destinés à accompagner la transition écologique, en réduire le coût en même temps que protéger nos concitoyens des conséquences du dérèglement dont nous percevons déjà les premiers effets. Cet axe de votre politique municipale ne doit pas être, et ne sera pas remis en cause.
Mais il faudra impérativement dégager des pistes d’économies substantielles, sur le fonctionnement d’abord, mais aussi probablement sur un investissement qui devra être toujours apprécié à l’aune de son apport écologique, social et économique.
Il faut absolument, ce sera ma conclusion, protéger nos acteurs locaux, nos concitoyens éprouvés par la dureté de nos temps.
Ne prenons pas le risque de devoir par impéritie tailler brutalement dans les subventions aux associations ou l’aide sociale aux plus démunis parce que nous aurons manqué d’une politique préventive d’arbitrage des investissements, seule à même de sanctuariser durablement le fonctionnement et les dépenses solidaires et redistributives. Nous ériger en rempart des plus fragiles imposera des arbitrages ; ne tardons pas à les anticiper, ayons le courage de renoncer dès à présent à des investissements engageant nos ressources trop lourdement, et trop durablement.
Puisque nous jugions l’arbre aux fruits, reconnaissons-le : vous avez eu à cœur une justice sociale dont la préoccupation vous honore au terme prochain de vos mandats. Veillons à en préserver l’essentiel pour l’avenir en dégageant les moyens nécessaires ; ce mot de « rigueur » inauguré par votre prédécesseur ne devra pas effrayer vos successeurs.
Je vous remercie.