Madame le Maire, chers collègues ;
La présente délibération est l’occasion de réfléchir au statut ainsi qu’au fonctionnement des conseils de quartiers de notre commune.
Chacun sait combien les Lillois siégeant dans ces conseils en conçoivent une bien légitime fierté, et sont motivés à porter la parole de leurs proches voisins.
Or, de façon tout à fait incompréhensible, il nous est revenu qu’en début de cette année, alors même que les conseils sont publics, il avait été décidé sans concertation aucune de censurer le nom des conseillers dans les comptes-rendus, au motif extravagant que certains pourraient avoir des paroles « imprudentes ». Ainsi un bel outil de démocratie directe devient-il le bâillon d’une infantilisation de citoyens engagés.
Plusieurs d’entre eux s’en sont bien légitimement émus, ce qui a notamment conduit les conseillers du quartier de Saint-Maurice Pellevoisin à réclamer majoritairement un vote sur la suppression de cette censure… Vote démocratique aussitôt refusé par la présidente du conseil, qui avançait l’argument que le bâillon devant être universel ne pouvait être localement soulevé.
A leur suite, nous demandons que cette censure inattendue après des années de libre expression soit abrogée, ou, si elle vous semble indispensable, que vous montriez l’exemple en faisant supprimer la mention de votre propre nom – et bien entendu des nôtres- des comptes-rendus du conseil municipal… Ainsi serions-nous également protégés de tout propos imprudent !
Plus récemment, une nouvelle étape répressive a été franchie, cette fois de façon tout à fait extravagante, dans le quartier de Fives. Au cours d’un conseil réuni le 20 janvier 2021, il a été envisagé la plantation de deux arbres, évènement assez exceptionnel je le concède volontiers dans votre mandature, à proximité de l’église rénovée de Notre-Dame de Fives. Une telle révolution écologique nécessitant de supprimer des places de stationnement déjà insuffisantes en nombre dans ce quartier, il a été indiqué, je cite cette fois le procès-verbal du conseil du 13 avril dernier, que « les riverains seront consultés ».
L’un des conseillers craignant une longue attente, voire une lourde inertie, avait cependant déjà pris les choses en main et décidé d’interroger en sa fonction directement les habitants. Afin d’attester de la réalité de son entreprise, il a confectionné un questionnaire, sur lequel il a cru pouvoir apposer le logo de notre commune. Fatale imprudence, qui lui a valu une convocation expresse au commissariat de police, sur réquisition du Parquet de la République !
Oui, vous l’avez bien entendu, mes chers collègues ; la drogue s’écoule à grands flots dans notre ville, des Lillois sont chaque jour agressés physiquement, verbalement ou par atteinte à leurs biens, Madame le Maire écrit personnellement à M. le Ministre de l’intérieur le 17 mai dernier pour lui déclarer que, je cite encore, « les habitants n’en peuvent plus de subir la loi des dealers », évoquant en outre nommément la quartier de Fives, et lui demande le 31 mai suivant sur son compte Twitter la création de 300 postes de policiers supplémentaires sur Lille et la métropole… Et son adjoint M. Duhem, d’un claquement de doigts ou d’une baguette sécuritaire magique, fait convoquer au poste de police le dangereux délinquant Fivois qui deale des en-têtes municipaux pour faire planter deux arbres !
Que tout Lillois victime en soit désormais informé, M. Duhem ne tardera à éradiquer ni les arbres ni la végétation douteuse, fût-elle sur pied, séchée ou pilée, nul n’est besoin de renforts ni de ministre, un questionnaire suffit !
Au-delà de cette triste bouffonnerie, un aussi triste constat s’impose : rien n’est entrepris, et bien au contraire, pour irriguer notre démocratie directe et valoriser ses acteurs ; à titre d’exemple, nous disposons d’un règlement intérieur depuis maintenant un an, dont l’objectif principal est de limiter notre temps de parole ; les conseils de quartiers ne voient quant à eux rien apparaître de la réécriture promise du leur… Comment dès lors s’étonner de l’abstention massive de nos concitoyens, et lorsqu’ils votent, de leur soutien de plus en plus massif à un courant politique qui n’est certes pas le mien, mais n’a que la démocratie directe en bouche ? Comment être surpris qu’ils élisent de vieux adversaires de la démocratie représentative dite « libérale » si des élus comme votre adjoint défait mobilisent la force publique pour une futilité plutôt que de composer un numéro de téléphone pour converser et rappeler une loi que soudain il considère plus urgente et importante que toute autre forme de maintien de la sécurité publique ?
En marge de la démocratie illibérale qu’imposent nombre de vos élus, il doit exister comme en toute chose une voie médiane : celle d’institutions transparentes et démocratiques, dont le conseil de quartier pourrait et devrait être le premier harmonieux échelon. Notre groupe vous appelle à en prendre conscience, élaborer le nouveau règlement intérieur annoncé, restituer aux conseillers la propriété de leur nom et établir enfin une charte de bon fonctionnement qui en ferait un outil précieux en ces temps de désespérance.
Des actes constructifs, plutôt que de censure et répression !
Je vous remercie.
Vanessa Duhamel