Conseil Municipal

Conseil Municipal : Fresque Jean Pattou – Lille Europe

Madame le Maire, chers collègues ;

La délibération qui nous est soumise fait apparaître qu’ « aucun nouveau projet n’a pu être engagé de 2020 à 2022, dans le cadre du programme Ville d’art et d’artistes » depuis la dernière en date, inaugurée en septembre 2019, sur le parvis de la gare Lille Flandres.

Ce n’est, évidemment, pas critiquable en soi, mais nous invite à réfléchir à l’entretien et à la pérennité des œuvres existantes, à leur sauvegarde ou leur restauration, afin d’embellir chaque jour notre ville dans les limites des budgets contraints par la crise que nous traversons.

Je vous décrivais en décembre le havre bucolique du square Richebé, cher à M. l’adjoint à la sécurité ; je m’attarderai aujourd’hui sur la station Lille-Europe du métropolitain, traversée chaque année par la foule des voyageurs issus de nombreux confins ou s’y dirigeant. 

Aucun d’eux, aucun de nous, n’a pu utiliser cette station sans avoir en mémoire la belle et grande fresque réalisée par Jean Pattou, imprimée sur bâches d’une surface globale de 2.300 m2, où l’artiste a souhaité « reconstituer le monde », y insérant plusieurs édifices emblématiques de notre ville, dont le Beffroi, la Grand Place, ou la regrettée Huîtrière, tant appréciée de votre prédécesseur, qui précisément avait imposé le choix de Jean Pattou à l’architecte Remment dit Rem Koolhaas.

On sait moins, en revanche, qu’il avait été prévu que les bâches, accrochées sur des rails fixés dans le béton des parois, laisseraient leur place à des carreaux d’émail sérigraphié plus pérennes, et que Pierre Mauroy, confronté au coût de l’opération, avait indiqué laisser ce soin à son successeur.

Vingt-deux ans après l’inauguration du 27 octobre 2000, les couleurs pâlissent, et les bassins prévus pour refléter la fresque et en doubler l’image sont dégradés et souvent enlaidis de détritus.

Nous savons tous que le métro Lillois est de la compétence de la MEL. Il n’en reste pas moins que notre commune se préoccupe légitimement de la qualité de ses espaces publics, en interaction avec les divers opérateurs.

Cette œuvre monumentale est d’autant plus singulière qu’elle fut l’objet d’une controverse médiatique entre l’architecte Batave, qui promouvait une vision chaotique de la vie et refusait de la colorer, et l’artiste Nordiste, qui déclarait peindre « pour les gens qui prennent le métro, et pas pour les petits Marquis dans les bureaux »… L’esprit de Cambronne s’empara alors de Jean Pattou jusqu’à se figurer sur sa propre œuvre bottant l’arrière-train d’un homme vêtu de noir…

Soyons sérieux quant à nous, et songeons à l’avenir. La présence de très nombreux élus le 18 novembre dernier pour l’inauguration de l’exposition organisée en l’honneur de Jean Pattou salle Courmont par l’association « Carnaval de Lille Moulins » illustra un attachement unanime à l’homme comme à son oeuvre. Il est, nous le savons, aujourd’hui âgé de 82 ans.

Quelle image notre ville donnera-t-elle au-delà même de ses frontières si à l’instant de sa disparition chacun constate que nous avons laissé dépérir la fresque emblématique du moment historique où notre commune s’est ouverte par le rail vers l’Europe toute entière ? Quel triste symbole serait le triomphe de l’homme en noir sur les couleurs d’une vie joyeusement offerte aux yeux de milliers de voyageurs…

Ainsi vous suggérai-je, Madame le Maire, d’user de votre entregent pour obtenir des autorités compétentes qu’elles se préoccupent de conserver, rénover ou reproduire cette œuvre presqu’unique au monde par sa  nature et si chère à nos concitoyens. 

Ce n’est en rien une manœuvre politique ; l’unanimité des élus Lillois vous soutiendra sans nul doute, et l’entier mérite vous reviendra de l’heureux résultat que nous espérons tous.

Je vous remercie.

Vanessa DUHAMEL