Conseil Municipal

Rapport Annuel sur l’Égalité Femmes-Hommes

Conseil Municipal du 21 novembre 2025

M. le Maire, chers collègues,


À la lecture de ce rapport annuel, commençons par reconnaître ce qui doit l’être.
L’effort est réel : une progression notable des rémunérations entre 2021 et 2024, un index égalité qui atteint désormais 96/100 contre 78/100 en 2023, et une présence féminine parfaitement assumée dans les instances du dialogue social : 16 femmes pour 13 hommes au Comité Social Territorial (CST), 14 femmes pour 16 hommes en Formation Spécialisée Santé, Sécurité et Conditions de Travail (F3SCT), et des équilibres du même ordre à la Commission Administrative Paritaire (CAP) et à la Commission Consultative Paritaire (CCP). Tout cela respire la bonne volonté institutionnelle, presque au point de faire croire que l’égalité coule ici de source.

S’agissant des formations, le rapport nous apprend que les femmes représentent environ 60 % des bénéficiaires, y compris dans les concours et les modules professionnalisants : cela sonne comme un début de revanche sur le plafond de verre municipal, observation faite que cette apparente primauté féminine repose probablement pour une large part sur le lien plus fort entre concours et avancement dans les filières administratives que dans les filières techniques.

Un effort mérite également d’être souligné en matière d’accompagnement social : 196 agents accompagnés, dont 62 % de femmes, et une prise en charge sérieuse des situations les plus délicates.

Que la Ville soutienne également 120 établissements engagés dans le dispositif “Demandez Angela”, et qu’elle organise une trentaine d’événements autour du 8 mars ou du 25 novembre est tout à son honneur.

Ces satisfecit ne doivent cependant pas obérer les lacunes subsistantes.

1°) L’organisation du travail, tout d’abord, qui induit un écart de rémunération mensuelle demeurant d’environ 172 € au détriment des agentes, soit 7 à 8 %, écart stable depuis 4 ans, non par les grilles officielles évidemment, mais par la permanence de situations concrètement discriminatoires : les temps partiels demeurent essentiellement féminins, tout comme les congés pour enfants malades : 420 jours pour les femmes, 190 pour les hommes.
À l’inverse, 96 913 heures supplémentaires pour les hommes contre 50 667 pour les femmes, et l’on sait le lien entre heures supplémentaires et progression de carrière.

2°) La vulnérabilité sociale, ensuite, dont le visage est féminin : parmi les agents accompagnés, 62 % sont des femmes, le cumul des difficultés étant passé, en trois ans, de 20 % à 80 %.
Difficile d’imaginer progression plus éloquente. Lorsqu’une collectivité voit ses agents accumuler les fragilités à ce point, ce n’est plus un signal, c’est une alarme.

3°) L’action contre les violences est quant à elle certes généreuse, mais encore peu évaluée.
Le rapport énonce une liste significative de dispositifs : cellule d’écoute, lieux sûrs dénommés « safe-zones », prévention dans le sport, programmes seniors, dispositifs intrafamiliaux, réseaux associatifs.
Mais combien les utilisent réellement ?
Le chiffre est éloquent : 5 situations de violences conjugales ont été accompagnées par le Service Social du Personnel (SSP). Oui, cinq, pour 2 550 agentes permanentes.
Il est hélas difficile de croire que la réalité lilloise se limite à ce seul chiffre… On peut légitimement s’interroger sur la notoriété et l’accessibilité de nos dispositifs.

4°) La communication d’ensemble, pourtant, semble dynamique : le rapport présente des affiches, des podcasts, des portraits métiers… Mais tant qu’un emploi masculin rapportera davantage en heures supplémentaires qu’un emploi féminin ne rapportera en reconnaissance, aucune vidéo intranet, même parfaitement montée, ne convaincra les agentes que l’égalité est en marche.

5°) La budgétisation « genrée », enfin — cet horrible barbarisme — progresse… mais à pas de velours.
L’expérimentation en est initiée dans quelques directions : sports, culture, sécurité, relations internationales.
C’est un début, mais un début très prudent, qui ne révèle pas encore une politique d’ensemble.

En définitive, que pouvons-nous espérer ?

1°) Un tableau de bord exigeant, avec l’écart de rémunération “à temps plein équivalent”, le suivi des carrières post-parentalité, et une ventilation par filière du télétravail, des heures supplémentaires et de l’absentéisme.
2°) Un plan de mixité des métiers, avec des objectifs chiffrés et la revalorisation effective des filières féminisées… pas seulement en communication, mais en carrière et en rémunération.
3°) Une politique du temps de travail égalitaire, où les hommes prendraient leur part des congés familiaux, et où les heures supplémentaires cesseraient d’être un privilège de genre.
4°) Une évaluation rigoureuse des dispositifs anti-violences : connaissance, usage, satisfaction, délais. Les armoires à outils sont pleines ; il importe de vérifier lesquelles servent réellement.
5°) La généralisation de la budgétisation sensible au genre, pour que l’égalité, de supplément d’âme, devienne un principe de construction budgétaire.

L’égalité ne se décrète pas, elle se construit dans les horaires, les rémunérations, les responsabilités, les charges mentales et sociales que l’on accepte de redistribuer… ou qu’on laisse toujours reposer sur les mêmes.
Et nous rêvons ensemble du jour où l’on pourra enfin cesser de publier des rapports, parce que l’égalité sera atteinte.

Je vous remercie.